À nos vingt ans de Nguyen Huy Thiep

À nos vingt ans de Nguyen Huy Thiep, né en 1950

Roman écrit à Cat Ba de décembre 2002 à janvier 2003, publié en France en 2005, inédit au Vietnam, traduit par Sean James Rose. Éditions de l’Aube, poche, 200 pages.

À nos vingt ans
À nos vingt ans de Nguyen Huy Thiep

Le récit est mené à la 1ère personne par Khuê, fils d’un écrivain, étudiant âgé de 20 ans, pas très assidu à ses cours qu’il trouve ennuyeux. C’est un rebelle, très critique à l’égard des aînés, de la famille et de la société, « on vit une époque à chier ». Il préfère regarder les matchs de foot retransmis à la télé dans la nuit, se lever tard, aller se promener avec son copain Thanh l’Oie sauvage, chatter sur Internet, mais pas trop car  « cette activité de décérébrés devient vite gonflante ».
Jusqu’au jour où son père le chasse de la maison pour avoir séché les cours.
On pense au coup de pied qui propulse Candide hors du château de Westphalie et le conduit à la petite métairie de Constantinople.
En effet Khûé se retrouve seul dans Hanoï la nuit, avec très peu d’argent. Nous le suivons dans ses déambulations pour se procurer de l’argent pour manger, se loger. Il frappe à la porte de quelques camarades de classe : de Thanh l’Oie sauvage dont le père tire ses ressources de trafics louches ; de Huyen la Brume, jolie fille qui consacre ses loisirs à soigner des lépreux ; de Zung la Miro, riche jeune fille de bonne famille qui passe ses loisirs barricadée chez elle à regarder des DVD étatsuniens.
Mais c’est grâce à Thanh et sa famille qu’il trouve de « l’aide », qu’il est initié à la drogue, qu’il assiste à une folle compétition de motos vers Noi Bai, qu’il se retrouve à l’hôpital pour y faire soigner un copain blessé, qu’il en est réduit à se loger dans les quartiers chauds, où deux prostituées le prennent en pitié, qu’il va se retrouver convoyeur de billets de contrebande, dont il sera payé avec « de la blanche ». S’en suivent six mois de défonce sur les routes.
Cette « descente aux enfers » est providentiellement interrompue par la rencontre d’oncle Ngoc, un poète, ami de son père qui l’emmène sur une île où il réapprend à vivre, d’abord seul puis auprès de gens simples, pêcheurs de la baie d’Along. Au contact de la nature, loin des villes, il retrouve son énergie et contribue même à sauver la baie d’un trafic mortifère.
Il apprend, dans un journal la mort de son père et en est bouleversé.
« Je m’appelle Khuê, j’ai 21 ans. Devant moi la vie. Je veux y croire, à moi de l’inventer ».

Récit d’apprentissage donc qui conduit le lecteur dans des lieux et des milieux interlopes, qui brosse le portrait d’hommes et de femmes meurtris par les ravages du passage à l’économie de marché, qui analyse les déterminismes sociaux et se révèle d’un grand intérêt pour mieux comprendre certains aspects de la société vietnamienne.
Une écriture très critique, sur un ton souvent ironique, sans pathos.
La satire d’une société en mutation où les classes sociales se reconstituent, où les trafics fleurissent…mais où demeure l’espoir d’inventer sa vie.

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