Mission 12 – Chapitre 5

Chronique des derniers jours

● Jeudi 29 novembre – Dernier cours en 4ème année dans la classe dite de « Didactique »

Je termine la séquence consacrée à la lecture expressive, qu’un.e futur.e professeur.e doit savoir pratiquer avec ses élèves. Au deuxième semestre, les neuf étudiantes de la classe partent en stage dans un lycée voisin.
La semaine dernière, nous avions lu Les Mots bleus, la chanson de Jean-Michel Jarre chantée par Christophe et Nuit et brouillard de Jean Ferrat. L’étudiante qui avait choisi de présenter le premier texte à ses camarades a compris le personnage de l’amoureux timide qui ne peut dire que les « mots bleus / Les mots qu’on dit avec les yeux. »
Quant à Nuit et Brouillard, l’étudiante qui avait choisi le texte n’en avait rien compris car les connaissances historiques lui faisaient défaut.
Ce matin de fin novembre encore doux, je propose le fameux poème de Baudelaire en quatrains d’alexandrins : L’albatros.

L'albatros

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

S’imposent d’abord les règles de diction des syllabes avec e muet. Nous comptons les douze syllabes sur les doigts.
Les trois premières strophes nécessitent de nombreuses explications de vocabulaire. Enfin, il semble que chacune a compris la majesté de l’oiseau lorsqu’il est dans l’azur et sa déchéance lorsqu’il se pose sur les planches, en butte aux moqueries et à la cruauté des marins. Mais le sens du dernier quatrain leur échappe malgré mes efforts pour faire comprendre la double comparaison Poète/albatros d’un côté, marins/huées des humains de l’autre.
Les étudiantes ne comprennent pas que le poème parle de la condition de l’artiste dans la société. C’est un problème récurrent : les étudiant.e.s ne sont pas assez mis.e.s en contact avec des textes qui jouent sur l’implicite et le symbole. Elles/ils peinent à faire le rapport entre les textes et le réel. Elles/ils ne sont pas assez entraîné.e.s à la réflexion.
Ce sont aussi ces compétences que je cherche à développer chez les professeur.e.s depuis douze ans. Non sans succès.

Le soir, agréable moment de détente chez Tu et Tuyet

Tu – prononcez Tou – est un ancien professeur du Département où son épouse était secrétaire. Leurs deux enfants Ngoc et Ngoc Lan sont eux-mêmes professeurs de français ? Ngoc – Préfassien 2004 – est doctorant à Amiens où il réside en compagnie de Giang également doctorante et de leurs deux fils.
Ngoc Lan a récemment soutenu sa thèse à Hanoi. Pendant que les deux femmes terminent les préparatifs, je bois un whisky avec Tu. Nous évoquons les souvenirs du Département, notamment sa participation active comme interprète lors du chantier, entre 1980 et 1984.
Depuis, Tu est toujours resté en relation avec l’architecte en chef français, Thierry Crouvisier, chez qui il a séjourné l’an passé à Aix-en-Provence.
Nous passons à table. Délicieux moment gastronomique et amical !

Tu, lors de la Fête des enseignant.e.s
Tu, lors de la Fête des enseignant.e.s
Les deux fils de Ngoc Lan
Les deux fils de Ngoc Lan

● Vendredi 30 novembre – Dernier jour de cours du semestre

J’observe deux classes de 2ème année qui s’entraînent aux sujets de CE (Compréhension écrite), à 7h en F6 avec Thuy Linh puis à 9h en F4 avec Anh Tu. Ces deux professeures étaient dans la même promotion et la même classe. Elles travaillent avec sérieux et ont acquis de l’expérience.
Déjeuner avec Anh Tu avant le séminaire consacré aux sujets de QCM de niveau B2.

Thuy Linh distribue des sujets de CE
Thuy Linh distribue des sujets de CE

Dîner au restaurant japonais de l’IPH (Indochina Plaza Hanoi), complexe ultra-moderne qui s’est construit en face du Campus il y a quelques années. Nous quittons mon bureau à pied avec Thuy Aquableu, empruntons la passerelle qui enjambe la grande avenue Xuân Thuy, encore très encombrée vers 19h. Les travaux du métro aérien n’ont guère progressé. Pourrai-je un jour me rendre au centre-ville en métro ? J’en rêve !

Les travaux du métro en cours…
Les travaux du métro en cours…

Les sushis sont délicieux mais quatre Japonais, manifestement alcoolisés, rient et crient sans se soucier des autres. Les serveuses sont désolées…
La journée se termine par un massage d’une heure, dispensé par Thuy Aquableu qui essaie de soulager la forte douleur qui bloque mon épaule. Le massage vietnamien n’est pas de tout repos !

Les sushis sont delicieux

● Samedi 1er décembre – Jour de détente

Je me lève un peu plus tard. Je regarde les journaux télévisés du matin qui parlent abondamment des « gilets jaunes » à la veille d’une nouvelle journée d’action. Le décalage étant de six heures, les « nouvelles » sont celles du vendredi soir. Images des casseurs du samedi précédent, de commerçants inquiets… discours sur le ralentissement de la croissance…
Dans la matinée, je reçois la visite d’un ancien doyen accompagné de deux professeures de Vinh Phuc. Elles souhaiteraient que je vienne dans leur lycée pour les aider à dynamiser le français. Mais je n’ai pas le temps ! Surtout à deux semaines de mon départ. L’an prochain peut-être…

Vers 11h, je pars en ville, en Grab, avec Thuy Aquableu.
Grab, la tombe en allemand, résonne désagréablement à l’oreille des germanistes ! Grab donc, est le nom d’une société implantée à Singapour qui – selon Le Monde – « offre des services comparables à Uber sans les inconvénients. » J’ai des doutes ! Force est de constater que les Vietnamien.ne.s que je connais ne jurent que par l’application Grab. Autour de l’université fleurissent les « gilets verts », les motos-taxis Grab qui comptent sans doute de nombreux étudiants.
Nous arrivons au restaurant végétarien Luu Dam rue Hang Bai. L’endroit est très beau et très chic, tranquille. Les plats à base de fruits et de légumes frais, de riz et de fruits secs sont joliment présentés et très agréables au palais. Un endroit que je recommande.

Restaurant vegetarien Luu Dam rue Hang Bai

Le week-end, les rues piétonnes qui jouxtent le lac Hoan Kiem sont le théâtre d’activités festives.
Des enfants font des tours de voitures électriques dans les rues rendues aux piétons.
Nous nous éloignons du bruit sortant des enceintes d’un podium installé près de la poste.

Des enfants font des tours de voitures

Nous partons pour une balade au bord du lac… mais nous rebroussons chemin quand les décibels d’un autre podium, côté quartier des corporations, nous arrivent par vague. Nous nous asseyons en face du pagodon dans une atmosphère chaude et ouatée. Il fait bon.

Balade au bord du lac

● Dimanche 2 décembre – Rendez-vous près de l’Opéra

Les « gilets jaunes » toujours, aux journaux télévisés du matin. Je corrige les résumés à trous préparés par les professeures du groupe « Sujets de CE » et leur renvoie les textes en vue d’une première voire d’une deuxième correction.
J’ai rendez-vous avec Ambre, une de mes petites-nièces devant l’Opéra à midi. Elle est arrivée la veille pour trois semaines de vacances au Vietnam.
J’arrive en avance. Fin de semestre, c’est la saison des photos de promos. Scène ordinaire sur le campus et dans les lieux prestigieux de la ville. Je vais me promener dans le jardin du musée d’Histoire situé juste derrière. Un endroit calme que j’apprécie.

Photo de promo

Le musée occupe l’ancien bâtiment de l’École française d’Extrême-Orient (EFEO), construit par l’architecte français Ernest Hébrard en 1932, au temps de l’Indochine française. C’est un exemple du style éclectique indochinois, dont Hébrard fut le fondateur.

Jardin du musée d’Histoire

Déjeuner dans un restaurant situé dans une ruelle, juste en face de l’Opéra. Le restaurant Vi Quan qui propose des spécialités du Centre est presque complet. C’est le jour des enfants, que la classe moyenne aime emmener au restaurant. Ils courent, ils crient…
Nous dégustons néanmoins les plats et la bière de Hanoi bien fraîche. Progressivement, le restaurant se vide. Nous continuons à bavarder. Après un café en terrasse, je quitte Ambre devant le musée des Femmes vietnamiennes que je connais bien.

Ambre

● Lundi 3 décembre – Ateliers « Plaisir de dire »

Comme les cours sont terminés, je ne dois plus me lever à 6h. A 7h, tout en me préparant, je suis le journal de France 2, encore très largement consacré aux « gilets jaunes » et à la manif du samedi. Images de jets de fumigènes sur les Champs-Elysées et la place de l’Etoile. Groupes masqués décrits comme des « casseurs ». Gilets jaunes « pacifiques » place de l’Etoile chantant La Marseillaise.

9h – Dans mon bureau, atelier de diction avec un groupe de 1ère année en compagnie de Mai Ly qui me sert de traductrice car les étudiant.e.s qui ont commencé le français fin août ne peuvent comprendre toutes mes explications. C’est la première fois que je travaille avec elles/eux et j’ai donc beaucoup à dire. Le concours aura lieu le vendredi matin.

Atelier de diction avec un groupe de 1ère année

Déjeuner à S Café avec mon ami Toan de l’Université voisine qui me parle d’un projet pédagogique pour lequel il sollicite mon avis.

14h – 2ème atelier avec des étudiant.e.s de 2ème année cette fois. Certain.e.s ont participé l’an passé sans gagner de prix et sont plein.e.s d’espoir mais aussi manifestement gagné.e.s par le plaisir de dire.

2ème atelier avec des étudiant.e.s de 2ème année

17h – Je reprends mon travail de correction des résumés à trous et des QCM. Puis dîner au restaurant Pho Ngôn (Rue Gourmande) d’IPH avec Thuy Aquableu avant un nouveau massage. La douleur a du mal à céder.

● Mardi 4 décembre – Atelier « Plaisir de dire » et séminaire « sujets de CE »

9h – Atelier « Plaisir de dire » avec un groupe de 2ème année

Déjeuner avec Thuy frisée qui me parle du projet de publication de notre travail sur les « sujets de CE ». Il va falloir accélérer car la soutenance du projet aura lieu le 17 décembre, hélas juste après mon départ ! Les membres du jury doivent disposer du projet dans quelques jours… et une dizaine de textes ne sont pas terminés. Nous réfléchissons aux dispositions à prendre.

13h30 – Séminaire pour les dernières corrections et mises au point collectives. Ensuite nous passons à la phase « Urgence » : mise en page et impression du fascicule B1, dépôt à domicile aux membres du jury, dernières corrections de Régine pour les sujets B2 en instance…

16h30 –Séance de travail avec le Club théâtre qui veut proposer quatre extraits d’Art, la pièce de Yasmina Reza, lors du concours « Plaisir de dire ». Les extraits sont trop longs, encore mal sus, sauf pour le premier groupe. La prononciation est souvent défaillante. Mais la gestuelle et la mise en scène ont été travaillées. Je suis étonnée que plusieurs étudiant.e.s de 1ère année aient déjà cette facilité à prononcer le français.

18h – Je rentre chez moi et me détends en regardant QPUC (Questions pour un champion). Plus tard, TV5 propose L’Affaire Dominici avec le formidable Jean Gabin.
Ma petite fille m’appelle de Nancy : nous parlons de Noël et aussi … des « gilets jaunes ».

● Mercredi 5 décembre – Ateliers « Plaisir de dire »

Les cages à oiseaux des gardiens devant lesquelles je passe chaque matin.
L’un des oiseaux fait un bruit de porte qui grince.
Pendant quelque temps, je me suis demandée pourquoi la porte d’une chambre voisine ne cessait de grincer le matin… jusqu’à ce que je comprenne que le bruit venait d’ailleurs !
Ce matin l’air est doux mais brumeux.

Les cages à oiseaux

Deux groupes de 1ère année se succèdent à 9h puis à 10h. Aujourd’hui, c’est Lien qui me sert d’interprète. Quatre courts poèmes de Charles Cros (1842-1888) mêlent les saisons et les émois amoureux. Les étudiant.e.s avec qui j’ai travaillé le lundi ont progressé en diction mais pas assez en expressivité. Je dois leur expliquer le sens implicite que Lien traduit. Ainsi pour le printemps, puis l’automne et l’hiver… tant de sous-entendus.

Charles Cros
Charles Cros

Lien rit en traduisant. Le texte conduit en effet à une forme d’initiation non seulement botanique mais aussi sentimentale ! Vers 11h, Lien me quitte étonnée de voir les étudiant.e.s se piquer au jeu et ravie des textes qu’elle a découverts.

Au printemps, c’est dans les bois nus
Qu’un jour nous nous sommes connus.

Les bourgeons poussaient vapeur verte.
L’amour fut une découverte.

Grâce aux lilas, grâce aux muguets,
De rêveurs nous devînmes gais.

Sous la glycine et le cytise,
Tous deux seuls, que faut-il qu’on dise ?

Nous n’aurions rien dit, réséda,
Sans ton parfum qui nous aida

L’après-midi, c’est Thuy Linh qui me rejoint pour poursuivre le travail avec quatre groupes de sa classe de 2ème année. Maintenant que les textes sont sus, nous peaufinons la mise en scène. A certains moments, le fou-rire nous prend ! J’enchaîne avec un groupe de F2 qui présente Fleurs et couronnes de Jacques Prévert. Que de progrès ! Futures lauréates ?
Les répétitions de la saison 2018 sont terminées.

Homme
Tu as regardé la plus triste la plus morne de toutes les fleurs de la terre
Et comme aux autres fleurs tu lui as donné un nom
Tu l’as appelée Pensée. […]

● Jeudi 6 décembre – Veille du concours

La matinée est consacrée à la préparation des documents nécessaires aux trois membres du jury : déroulement, feuilles de notation, textes dans l’ordre de passage. Impression. Pas de panne d’imprimante cette année !
Vers 11h, les dossiers sont prêts. Je vais chercher Anh Tu et Thuy Linh, mes deux assesseures, qui travaillent sur les « sujets de CE » dans une salle proche de mon bureau pour qu’elles prennent connaissance des documents et que nous nous mettions d’accord pour le lendemain.
L’après-midi, je continue les corrections sur les « sujets de CE »

● Vendredi 7 décembre – Le grand jour !

54 étudiant.e.s se sont inscrit.e.s cette année, soit 10 de plus que l’an passé. Mais la bonne nouvelle est que nous n’avons eu que 2 absentes alors que 30% des inscrit.e.s 2017 ne se sont pas présenté.e.s, sans donner d’explication !
On peut avancer quelques raisons à la bonne participation à cette deuxième édition :
– Une meilleure perception de la nature et de l’intérêt du concours par les étudiant.e.s et les professeures.
– Une sensibilisation dans les 4 classes de 1ère année (par Marie-Luce avant son départ le 23 octobre) et les 6 classes de 2ème année par moi-même.
– Les 12 ateliers d’entraînement de 2h à 2h et demie : d’abord avec les « 2ème  -année » qui ont bénéficié de trois ou quatre séances. Puis avec les « 1ère année », la dernière semaine.  Avec les 1ere annee

A 8h45, l’amphithéâtre se remplit. Mai Ly a installé l’affiche « Plaisir de dire » de l’an passé où il a suffi de changer le 7 en 8. J’explique le déroulement de la matinée. Anh Tu traduit.

Explication du déroulement de la matinee

Bao Nhung et Mai Ly font l’appel des « 1ère année » qui s’installent sur la scène. Une seule absente ! 9h, le jury est en place. On commence. L’émotion est palpable.
11 textes de Charles Cros, Apollinaire, Hugo, Gautier, Claude Roy et La Fontaine se succèdent dits par 12 filles et 2 garçons.
La prononciation n’est pas toujours au point. Nous devons souvent faire le signe de parler plus fort mais l’implication est totale.

Au tour de Bang avec A ma fille Adèle de Victor Hugo
Au tour de Bang avec A ma fille Adèle de Victor Hugo

Pendant que les trois membres du jury totalisent les points, Mai Ly distribue les attestations de participation et un bon pour une place de cinéma à l’Espace. J’annonce les six textes sélectionnés pour la finale.

J’annonce les six textes sélectionnés pour la finale.

Au tour des « 2ème année » qui sont beaucoup plus nombreux : 17 textes et 30 inscrit.e.s dont deux garçons. Minh Phuong les invite à s’asseoir sur la scène.
Prévert est à la fête avec 8 poèmes, Gainsbourg qui rend hommage aux Feuilles mortes et aussi Baudelaire, Apollinaire et Charles d’Orléans. Mention particulière pour deux poèmes de prison de Nazim Ikhmet choisis parTien. Quatre étudiantes jouent un dialogue de « Critiques en herbe » sur le film Intouchables.

Thao Nguyen pleine de fougue pour dire Cet amour de Prévert
Thao Nguyen pleine de fougue pour dire Cet amour de Prévert

J’annonce les 9 textes qualifiés pour la finale. Certain.e.s sont ravi.e.s, d’autres déçu.e.s !
Nous commençons sans tarder car la matinée avance.

Lauréat.e.s de 1ère année

  • Le corbeau et le renard dit par Huong, Thao et Minh de la classe F4
  • Annie d’Apollinaire interprété avec humour par Duong de la classe F3, en veston
    […] Comme cette femme est mennonite / Ses rosiers et ses vêtements n’ont pas de boutons /
    Il en manque deux à mon veston /La dame et moi suivons presque le même rite.

Lauréat.e.s de 1ère année

Lauréat.e.s de 2ème année

Lauréat.e.s de 2ème  année
De gauche à droite Duc, Hang et Ha de F2 avec Fleurs et couronnes de Prévert
Tien de F1 avec deux poèmes de Nazim Ikhmet.
Thao Nguyen de F4 avec Cet amour de Prévert

Les lauréat.e.s reçoivent une carte (une par texte) de 10 entrées au cinéma de l’Espace. Applaudissements. Emotion. Les professeures dont les étudiant.e.s ont été primé.e.s sont fières. Dang Thuy la vice-doyenne chargée de la formation félicite les étudiant.e.s.
J’invite les membres du jury et quelques proches à déjeuner pour prolonger la joie de l’évènement.

Les professeurs Clémence et Jean-Pierre
Les professeures présentes, Régine, Clémence et Jean-Pierre

13h30 – Changement de programme : je replonge dans les « sujets de CE ».
Les six participantes commencent par tester un des sujets que j’ai préparé pour vérifier que les questions conviennent. Un texte d’Annie Kahn, journaliste du Monde qui aborde la question du management sous l’angle du genre.

Test des sujets

17h – Chez l’opticien

Je pars en compagnie d’Anh Tu pour changer mes lunettes dans un grand magasin de la rue Cau Giai. Au Vietnam, il n’est pas nécessaire de passer par un ophtalmo. L’opticien dispose d’un grand labo où des techniciennes mesurent la vision : l’une passe mes anciens verres dans une machine qui lui en indique les caractéristiques, l’autre me fait regarder dans un binoculaire, parle avec Anh Tu qui me traduit l’étonnement de la jeune femme à propos de mon âge et de ma vue, « bien meilleure que les femmes vietnamiennes de mon âge ! » La prescription est prête. Restent à choisir la monture et les verres.
Une monture de qualité = 750 000 dongs = 27 €
Des verres Essilor = 334 000 dongs = 12 €
Soit 39 €

18h – Restaurant et lunettes

En taxi, nous allons rejoindre les parents d’Anh Tu dans un restaurant proche de leur domicile. C’est l’heure de pointe et le trafic est lent ! Mais nous avons toujours beaucoup à nous raconter. Et au terme de cette journée intense, nous goûtons le plaisir de ne rien faire.
Lorsque nous arrivons au restaurant, décoré aux couleurs de Noël, la table est déjà chargée de plats commandés par les parents d’Anh Tu que je retrouve avec joie.
Nous leur racontons l’épisode des lunettes. Le père d’Anh Tu veut que je lui montre mes anciennes lunettes dont une des branches tient avec du scotch. Il pense que c’est réparable et connaît quelqu’un qui peut le faire. Le repas est délicieux, copieux, arrosé de vin rouge. Vrai moment de détente entre amis.
Nous allons prendre le dessert chez eux puis nous reprenons un taxi qui nous arrête devant la boutique d’optique. Il est 21h et le magasin n’est pas encore fermé ! Je récupère mes nouvelles lunettes. Incroyable Vietnam !
Lundi, Anh Tu me ramène mes vieilles lunettes … réparées pour 50 000 dongs ! (moins de 2 €)

Avec les parents d'Anh tu

● Samedi 8 décembre – Thu Ha, Hoa et Bich

Marie-Luce est de retour de ses vacances et quitte le Vietnam demain. Thu Ha, notre future Préfassienne et son mari nous invitent à déjeuner. Elle se réjouit de son futur séjour car elle enseigne depuis six ans et n’est jamais venue en France.
Il pleut et la température a chuté depuis hier. Dang Thuy (frisée) vient nous chercher en voiture et nous rejoignons Thu Ha et son mari au restaurant Mon Hué à My Dinh. La nourriture est abondante.

Marie-Luce est de retour

Pour boire un café, il faut changer d’endroit – les restaurants ne servent pas de café – mais aujourd’hui avec la pluie, pas question de s’installer en terrasse, or la salle est remplie de la fumée des cigarettes ! Nous ouvrons la porte pour aérer les lieux mais le courant d’air est froid! Nous nous quittons assez vite.
Après-midi studieux contrarié par une nouvelle fête bruyante sous mes fenêtres.
Vers 18h, je pars à pied chez mes amis Bich et Hoa. Il pleuvine. La traversée du campus dans la pénombre est calme mais dès l’arrivée sur l’avenue, c’est l’enfer ! Comme les motos sont bloquées sur la chaussée, elles empruntent le trottoir, où je les gêne ! Klaxons insistants pour que je laisse la place. J’ai envie de les pousser !

● Dimanche 9 décembre –Travail et au revoir à Marie-Luce

Il fait vraiment froid. Le vent s’insinue à travers les vitres qui joignent mal. Je pensais travailler au bureau après le déjeuner avec Marie-Luce mais j’abandonne et reviens dans ma chambre où les huisseries sont plus hermétiques et où je peux ajouter des couches de vêtements, voire mettre la couette sur mes épaules.
J’avance dans le travail sur les « sujets de CE » en écoutant France Inter. Les gilets jaunes toujours mais aussi Carlos Ghosn et Donald Trump… Ainsi va le monde.
Vers 20h, je vais dire au revoir à Marie-Luce qui part à l’aéroport pour rentrer en France.

● Lundi 10 décembre – Déjeuner chez Phuong et dîner chez Nhu et Tang

Après une matinée de travail, déjeuner chez Phuong qui a invité les membres de l’équipe « sujets de CE » et quelques proches, à déjeuner.
L’appartement est joliment décoré par le mari de Phuong qui est architecte. Objets et meubles anciens joliment mis en valeur.

Phuong est la deuxième Préfassienne, en 1998. A cette époque, ce sont les amis de Dijon qui l’ont prise en charge complètement et son séjour n’a duré qu’un mois. Il semble qu’elle était une jeune fille timide et réservée. Aujourd’hui, vingt ans après, mère de deux filles et professeure expérimentée, c’est une jeune femme charmante qui apprécie la littérature.

Phuong (en rose) nous a prepare des plats delicieux
Phuong (en rose) nous a préparé des plats délicieux

Retour au bureau pour les dernières retouches aux « sujets de CE » en compagnie de Thuy Linh et Anh Tu. Dernier dîner chez les parents de Kim en compagnie de Thuy. Les contrariétés de la journée s’estompent.Après douze ans d’expérience, certains modes de fonctionnement sont encore bien perturbants.

● Mardi 11 décembre – Il fait froid !

Ma journée de travail est coupée par un repas amical avec Toan et Jean-Pierre.
Toan nous invite dans un restaurant italien, assez nombreux à Hanoi, d’un prix abordable, et très fréquentés par la jeunesse vietnamienne. Chacun.e a sorti son pull ou sa veste. Il ne fait pas plus de 12° mais sans chauffage !
La conversation roule sur nos expériences pédagogiques, nos lectures, l’actualité des « gilets jaunes »… Les échanges sont directs, sincères.

Repas amical avec Toan et Jean-Pierre

En soirée sur TV5, je découvre un film de 1957 Jean Paul Le Chanois, Le Cas du docteur Laurent.
Nouvellement installé dans un bourg des Hautes-Alpes, le docteur Laurent – Jean Gabin – veut rompre avec la fatalité biblique « Tu enfanteras dans la douleur ». Le film reflète son combat en faveur de l’accouchement sans douleur. A ses côtés, Sylvia Monfort et Nicole Courcel …Un film à redécouvrir !

● Mercredi 12 décembre – Le grand jour pour Bich

Le grand jour pour Bich  Bonne ambiance de travail dans mon bureau. Dang Thuy boit le café et plaisante avec Thuy Linh.
Il me semble que les jeunes collègues ont découvert le plaisir de travailler ensemble, de se découvrir capables de mener à bien une tâche exigeante. Enfin d’avoir franchi une étape car il reste encore beaucoup à faire.
Dans la matinée, je reçois la visite de Phong, un étudiant qui a terminé son cursus et travaille comme guide touristique. J’avais beaucoup apprécié cet étudiant, curieux et actif en classe. Il semble que notre attachement soit réciproque. Il n’avait pas choisi le français en vœu n°1 lors du concours d’entrée mais il se félicite d’avoir été affecté en français dont il adore la culture et qui a changé sa vie!

Régine et Phong

Société de consommation : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà »
A Irkoutsk en septembre dernier, mon Smartphone s’est mis à chauffer et à se décharger très vite. Diagnostic du plus jeune membre du groupe de voyageurs : changer la batterie. Comme nous partions pour Oulan Bator le lendemain, c’est dans la capitale de la Mongolie que je suis allée dans une boutique accompagnée de la guide. Pour changer la batterie il faut deux heures. J’abandonne le projet. En Chine, nous avons beaucoup bougé et l’occasion ne s’est pas présentée. De retour à Grenoble, je suis allée dans une boutique spécialisée dans la réparation de Samsung. A peine le vendeur a-t-il entendu ma question et vu mon appareil qu’il s’est exclamé : « Ah ! Sur ce modèle, pour accéder à la batterie, il faut casser l’écran 139 € + 39 € de batterie. » Je suis interloquée, incrédule. Comment peut-on vendre ce type d’appareil !
Je me dis qu’au Vietnam, la réparation est sûrement possible ! J’en ai eu la confirmation ce matin-là. Anh Tu a emporté mon appareil dans un magasin proche de l’Université la veille. Comme je le supposais la batterie a pu être changée : durée 1h, coût 280 000 dongs soit 10 € !
Que faire pour dénoncer cette arnaque : écrire à 60 millions de consommateurs ? Si vous avez une autre idée…

14h – Salle des thèses

These de Bich

Contrairement à la France, le Vietnam organise deux soutenances : la première donne le feu vert pour la deuxième soutenance qui permet d’obtenir le titre de docteur.e.
Bich est prête. Le jury s’installe. Les formalités administratives sont faites en vietnamien. Puis c’est au tour de Bich à qui le président du jury – Tuan, un ancien doyen – donne la parole.
Bich a travaillé sur la conception d’un cadre d’élaboration des sujets de compréhension écrite. Un sujet en prise directe avec notre travail collectif sur les « sujets de CE ».
Elle s’exprime avec aisance et commente ses graphiques avec clarté. Une demi-heure plus tard, c’est au tour des deux rapporteurs puis des autres membres du jury de présenter leurs observations. Les commentaires élogieux ne laissent pas de doute sur l’issue de la délibération.
A 16h20, Bich est soulagée et peut envisager la suite de son travail avec sérénité.
Nous nous retrouvons dans mon bureau. L’heure est à la joie pour Bich et ses amies. Bich prévient son mari qu’elle rentrera plus tard : elle souhaite savourer le moment avec ses collègues et nous invite au restaurant ! D’accord pour un « lau » car il fait froid !

Bich

● Jeudi 13 décembre – Dernier jour

Il est temps de préparer ma valise puis de ranger mon bureau où j’apporte les fruits qui me restent et que je ne remporterai pas en France. Servez-vous ! Les écharpes sont de sortie car la température est toujours fraîche. Bich est détendue. « Ça va être bizarre après ton départ ! Le bureau sera désert. Tu vas nous manquer. »

Avant le départ

Repas d’adieu en petit comité. Comme Yen a commandé pour plus de personnes, les restes sont abondants. Mais au Vietnam, il est naturel d’emporter les restes !

De gauche à droite, Yen, Bich, Canh Linh, Phuong Lan, Thu Ha, Anh Tu et Minh Phuong
De gauche à droite, Yen, Bich, Canh Linh, Ngoc Lan, Phuong Lan, Thu Ha, Anh Tu et Minh Phuong

14 h – Dernier séminaire

Je distribue les fiches-bilans que les présentes remplissent avec application. Puis nous passons à l’exposé de Tu Linh et Thuy Linh sur l’antispécisme, notion que je leur ai fait découvrir et qui, sans doute, devrait gagner le Vietnam. Mieux vaut donc être informé.e. Thu Ha est attentive et… se protège du froid !

distribution des fiches-bilans

Anh Tu présente quelques activités ludiques qu’il est possible de pratiquer en classe. Il est temps de se quitter. Quelques mots de bilan sur cette douzième mission. Je félicite les participantes pour leur désir d’apprendre, de s’ouvrir, de discuter. Enseigner est un métier qui implique cette démarche de curiosité, de perfectionnement. A l’année prochaine !

Anh Tu présente quelques activités ludiques

Reste à boucler ma valise. Ngoc Lan puis Thuy Aquableu me tiennent compagnie en attendant 20h30. Vân, le Doyen, m’accompagne à l’aéroport avec Thuy. Ma valise ne dépasse pas les 30 kg, à 800 g près. Une longue queue de Coréens qui regagnent Séoul ralentit l’accès à la douane. Au revoir Hanoi ! Bonjour la France !

Le pont Nhât Tân la nuit, en allant à l’aéroport
Le pont Nhât Tân la nuit, en allant à l’aéroport
Chapitre 4
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