Lettre de Préfasse – Printemps 2025
Sommaire
◊ 5e mission de Mai à Hanoï
◊ La vie du département
◊ Le coin culture
◊ Société – Commerce international – Droits de douane
————————————
● 5e mission de Mai à Hanoï
►Début mars – Mai retrouve ses marques
Entre l’Université et son studio, beaucoup de changements dans les commerces : « Un tiers ont disparu ou ont changé ». Dès son arrivée le 28 février, Mai était invitée à déjeuner par les dernières Préfassiennes : Thu Ha et Yen à gauche ; Anh Tu, Bao Nhung et Mai Ly à droite.
« Le seul point négatif a été le temps froid, pluvieux et donc l’air plus pollué que d’habitude. Conséquence imprévue, une bronchite asthmatique, très bien maîtrisée grâce à la médecine orientale. »
►Fin mars – Un mois déjà !
● Production orale en 2e année – « Nous avons parlé durant presque deux semaines des inégalités de genre et des solutions à envisager. Les avis des jeunes sont très partagés et il y a encore du grain à moudre avec certains garçons ! »
● Projet d’ateliers-dictée pour les classes de 1re année de retour de la formation militaire.
« Ce qui me touche, c’est la reconnaissance des étudiant-e-s qui sont content-e-s de me revoir. Nous allons peut-être trouver des moments de visites accompagnées par ces futur-e-s guides touristiques. »
« Bao Nhung et Mai Ly m’ont invitée à la soirée “La quintessence du Tonkin” qui met en valeur la culture du Nord du Vietnam. C’est un très beau spectacle en plein air devant la montagne Thay, présenté par des professionnels mais aussi des amateurs (les habitants du village) »
► Sortie au cinéma avec Bao Nhung et Mai Ly : Địa đạo – Le Soleil dans l’ombre – Dans les tunnels de Cu Chi
Jeudi 17 avril, Mai, Bao Nhung et Mai Ly étaient au Centre National du Cinéma où était projeté un film dans le cadre du 50e anniversaire de la libération du Sud et de la réunification du Vietnam.
Bao Nhung nous en parle
« Les tunnels de Củ Chi, à 70 km du centre-ville de Hô Chi Minh-Ville, sont un système de tunnels de défense souterraine de 250 km de long, composé de 3 étages, qui étaient un lieu de vie, d’entraînement et même de bases secrètes pendant la guerre du Vietnam. »
« Le film se déroule dans un décor généralement sombre et très étouffant, montrant les difficultés que le peuple vietnamien a dû endurer mais qui a néanmoins lutté avec acharnement contre les envahisseurs. Le film contient également des détails montrant le désir d’aimer et de vivre en paix des jeunes combattants. […]
Par ailleurs, ce tunnel est l’endroit principal d’opérations du groupe de renseignement H63, un lieu d’approvisionnement en nourriture, en documents et en équipement pour le travail de renseignement pendant la guerre. Grâce aux voies souterraines et au soutien des villageois, les services de renseignement pouvaient transmettre des informations à l’intérieur et à l’extérieur de Saïgon au commandement de l’armée vietnamienne sans que l’ennemi puisse les détecter. Le détail qui m’a le plus touché et aussi le plus effrayant, c’est qu’entre les combattants, chaque rencontre pouvait être leur dernière. »
► Mai et Bao Nhung au Musée des Beaux-Arts de Hanoï – Exposition Huỳnh Phương Đông
Le musée des Beaux-Arts — installé dans l’ancien lycée de jeunes filles de Hanoï — expose les œuvres du peintre-soldat Huỳnh Phương Đông (1925–2015), dans le cadre des activités commémoratives du 50e anniversaire de la réunification du Vietnam.
« Les œuvres exposées sont pour certaines des croquis réalisés sur le vif, et pour d’autres, des tableaux plus élaborés que l’artiste a retravaillés à son retour du front. Il utilisait toutes sortes de matériaux disponibles dans les conditions de la guerre – du papier jauni, des revers de calendriers muraux, du charbon, de la craie, de la gouache… Et malgré ce contexte, les traits sont toujours d’une précision remarquable, et les couleurs choisies avec soin : sans couleurs, des verts, des rouges et des jaunes, qui évoquent la terre, la forêt, le feu, le sang, les rizières, les tunnels, les armes – mais aussi la chaleur et la bravoure des combattants. […]
« Huỳnh Phương Đông est un artiste du Sud qui a pris part aux deux grandes guerres de résistance du Vietnam. La plupart de ses œuvres de guerre ont été réalisées sur le champ de bataille, juste après les événements qu’il vivait, avec la conscience aiguë que la mort pouvait le surprendre à tout moment, l’empêchant peut-être de témoigner plus tard de cette époque de feu et de sang.

Au 2e étage, une galerie de portraits : des visages de combattants, de femmes, d’hommes, de jeunes, de vieux, tous croisés sur le terrain. Le peintre expliquait qu’il voulait garder une trace du plus grand nombre possible de ces personnes, pour que les générations suivantes puissent voir les visages de celles et ceux qui ont donné leur vie pour la patrie. Chaque regard est rendu avec une attention particulière, comme si les yeux présentaient l’âme et la force intérieure de chaque personnage. »
► Bilan de la mission de Mai
● Ateliers de conversation avec les 4 groupes de 1re année
Thèmes abordés : organiser une sortie, demander le chemin, le logement, passer commande au restaurant…
« C’est prévu sur le mois d’avril donc 4 séances/semaine pendant 4 semaines. Les séances se passent bien grâce à l’aide technique des étudiant-es du club France et de deux étudiantes françaises dont une fait son stage de FLE. Inutile de préciser que je suis très intéressée par sa pédagogie et son savoir-faire. »
● Préparation du prix Goncourt-Vietnam
« Avec Quynh, étudiante de 3e année, nous lisons Houris de Kamel Daoud, prix Goncourt 2024, 2 heures par semaine. »
● Interventions en classes de 2eannée et 3e année
Même rythme hebdomadaire en interculturel et en tourisme ; avec en plus, traduction et civilisation. Les interventions en 3e année sont nouvelles et très enrichissantes.
« Des étudiantes m’ont sollicitée pour répondre à des questions dans des petites vidéos réalisées dans le cadre du cours interculturel avec des contraintes comme 1 min (!!) pour parler de la place de la femme en France. Mais aussi des moments très riches autour de repas maison ou au restaurant pour comparer les règles de politesse à table et les règles de savoir-vivre. À propos de la comparaison entre la baguette et le banh mi, j’ai trouvé des étudiantes très chauvines car il n’y a pas photo, le banh mi est bien meilleur ! »
● Concours d’éloquence 2025
Mai était jurée pour les éliminatoires et spectatrice pour la finale qui a eu lieu à l’ambassade de France, le jeudi 24 avril, sur le thème « Écosystèmes et biodiversité ».
En 8 minutes par examen, les candidat·es devaient prononcer leur discours en français, en 8 minutes, avec fluidité et assurance. 4 des 6 finalistes étaient étudiant·es au Département de français et les deux premiers prix leur ont été attribués.
● La vie du Département
► Fin de la période militaire des étudiant·es de première année
Au bout de quatre semaines d’entraînement, l’Université organise un grand événement pour célébrer le succès de la période. Cette année, la date choisie est le 1er mars, à deux semaines de la fin. C’est la « Fête de connexion » où les étudiant·es de tous les départements ont l’occasion de montrer qu’ils/elles ont été bien formé·es. Défilés militaires, numéros de démonstration d’exercices physiques et numéros de spectacles en soirée.

« Aujourd’hui lundi 17 mars, les étudiant·es de première année ont repris les cours après deux mois d’interruption (deux semaines de vacances du Têt et six semaines de formation militaire à Hola). Ils et elles sont revenu·es à l’université avec enthousiasme et bonne humeur. J’ai aussi l’impression qu’ils/elles sont plus soudé·es après cette expérience de formation militaire. » Thu Ha 2019

►Dimanche 16 mars – « Couleurs culturelles »
« Hier, le Département de français a organisé l’événement « Couleurs culturelles pour célébrer, comme chaque année, la Journée internationale de la Francophonie. De nombreux représentant·es d’organisations internationales, d’ambassades, d’établissements d’enseignement du français, ainsi que des étudiant·es de 2e, 3e et 4e année y ont participé. » Thu Ha 2019


J’ai participé à cette journée à distance, en tant que membre du jury de la finale du concours de vidéos « À la rencontre de la francophonie – Carnet de voyage »
Le concours était ouvert aux apprenant·es de français des universités, des lycées et collèges de Hanoï et des provinces du Nord qui ont communiqué leurs productions sur Facebook. Les lycéennes y étaient largement majoritaires.
Six productions de 5 min maximum ont été sélectionnées pour la finale. L’évaluation attribuait 6 pts au contenu et 4 pts à la réalisation. Le vendredi, j’ai envoyé mes notes sur 10 à Dang Thuy la vice-doyenne qui a collecté les notes attribuées par les six membres du jury. Le total des points obtenus par chacun·e a déterminé les prix obtenus, attribués le dimanche.
Le 1er prix (5 000 000 dongs) a été attribué à une vidéo très inventive réalisée par les trois jeunes filles de la photo. Camille n’est pas une élève appliquée. Elle s’ennuie en cours et s’évade dans le temps et l’espace vers l’atelier d’Alexandre Yersin dont elle devient l’assistante maladroite !
C’est original, humoristique, interculturel, historique et réalisé avec inventivité. Bravo !
► Journée des femmes en décalé – Les 22-23 mars à Moc Chau
Cette année, l’ULEI invitait les personnels féminins à un week-end à Moc Chau où vit l’ethnie thaïe, aux maisons sur pilotis, à 200 km de Hanoï… Il y avait aussi quelques collègues hommes !
« Nous avons conquis la route escarpée, exploré et enregistré des moments heureux ensemble à Muong Thanh, forêt de pins de Ban Ang et cascade de Dai Yam. C’est merveilleux de profiter de la nature et de partager des rires avec des collègues. » Do Thuy (2e en partant de la gauche)
►Professeures en formation
● Colloques de la fin mars
Bao Nhung a présenté un exposé sur l’IA dans l’écriture créative lors d’un colloque de jeunes chercheurs avec l’Université d’Artois. Elle a aussi pris part, avec Mai Ly, à un colloque à l’ULEI sur les faux amis dans la production écrite des étudiant·es.
● Inscription en études doctorales
Elles sont cinq jeunes professeures du Département à se lancer dans des études doctorales. Elles ont été boursières de Préfasse : Tu Linh en 2015, Yen en 2016, Thu Ha en 2019, Mai Ly en 2022 et Bao Nhung en 2023. Elles doivent préparer leur plan de thèse d’ici la fin du mois d’avril. Un gros travail, intimidant ! Nous leur souhaitons bon courage. Elles peuvent compter sur l’aide de Préfasse.

● Projets de formation en France cet été
– Bao Nhung et Hoai Anh annoncent leur venue à Besançon au Congrès de la FIPF (Fédération internationale des professeurs de français) à la mi-juillet, en partir pris en charge par l’OIF
– Bao Nhung participera pendant deux semaines à l’Université d’été organisée par Francophonia à Nice. Anh Tu y a participé à deux reprises. Elle viendra aussi nous rendre visite. Calendrier à préciser
– Hoai Anh a obtenu une bourse de trois semaines pour séjourner à Louvain-la-Neuve après Besançon et un séjour de détente et de retrouvailles à Grenoble.
● 21 au 23 avril – Séminaire de formation sur l’IA à Siem Réap (Cambodge)
Anh Tu nous en parle – « Je viens de rentrer du Cambodge, où j’ai suivi une formation avec 4 collègues de Khoa Phap (le Département de français). Il y avait une soixantaine d’enseignants de français ven
s de 8 pays : le Vietnam, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge, la Mongolie, l’Inde, la Malaisie et Singapour. Les enseignant(e)s vietnamien(ne)s étaient les plus nombreux. Les formateurs étaient M. Toàn, de l’Université de Hanoï et un formateur indien spécialisé dans l’utilisation de l’intelligence artificielle en pédagogie.
Nous avons appris à utiliser l’IA pour préparer des cours, corriger des productions écrites, générer des transcriptions, chercher des informations et créer des jeux. On avait 7 heures de cours par jour, alors le troisième jour, j’étais un peu fatiguée à force de rester trop longtemps devant l’ordinateur. Mais cette formation a été très utile pour les enseignants et m’a permis de mieux maîtriser les outils technologiques. L’IA fait un peu peur car elle apprend vite et connaît beaucoup de choses, mais elle reste un bon outil si l’on sait bien s’en servir.
La journée, nous étions en formation, et le soir, je pouvais me promener et découvrir un peu le quartier touristique. Le dernier jour, avant de reprendre l’avion pour le Vietnam, Mai Ly et moi avons visité Angkor Wat et le temple Ta Prohm où l’on a filmé un film d’Hollywood, car nous n’y étions jamais allées. Même si nous n’avons pas pu explorer beaucoup, nous étions très contentes d’avoir pu admirer une merveille du monde. »

► Campagne de sensibilisation aux études de français
Elle a commencé dès la mi-avril au lycée Hon Gai – Quang Ninh. Le Département de Langue et de Culture Françaises, Université des Langues Étrangères – DHQGHN s’adresse aux lycéen·nes en vue de leur orientation à la rentrée 2025 : programmes de formation, possibilités de double diplôme, échanges, transferts dans les universités de nombreux pays français, bourses, opportunités d’emploi…

►Fin de l’année universitaire – Remise des diplômes… nostalgie !
Aujourd’hui professeure, Bao Nhung (à droite) se souvient de l’année 2018 et de sa remise de diplôme, de la tension ressentie. « Maintenant c’est moins “difficile à vivre”. » Un sentiment que chacun·e peut partager sans doute. Autre temps, autre impression !
En 2018 et 2019, elle a bénéficié de la présence des formatrices de Préfasse — Régine et Marie-Luce — pour apprendre le métier.
►Atelier de conversation
L’atelier vise à améliorer les compétences pratiques de communication en français pour les étudiant·es à travers des situations quotidiennes telles que se présenter, faire des achats, demander son chemin, parler de ses goûts…
Les séances sont animées par des bénévoles : stagiaires des universités françaises, étudiant·es de de l’université. Nguyen Thi Bach Mai y est intervenue lors de sa mission.
Les étudiant·es s’entretiennent avec les animateurs et animatrices. Ces dernièr·es corrigent la prononciation, la syntaxe, le vocabulaire et incitent à une communication naturelle et expressive. Le public est fourni et l’activité attractive !
►10 mai – Finale du concours « Aimer pour guider 2025 »
Le thème de cette 4e saison : « Joyaux cachés au cœur du Vietnam »
Le dernier tour du concours s’est déroulé en présence de nombreuses personnalités des ambassades, du secteur touristique, de l’ULEI.
Le palmarès :
– Premier prix : Dó Craft Village
– Deuxième prix : Un temple Duong Vuong
– Troisième prix : Kim Son lauréate
– Prix du jury : Ham Long, Hanoï

● Le coin culture
►21 au 27 mars – 15e festival du film francophone au Vietnam
Chaque année, à l’occasion de la Journée internationale de la Francophonie (20 mars), Hanoï célèbre le cinéma francophone. L’édition 2025 propose 8 longs-métrages – 6 de fiction et 2 documentaires -produits ou coproduits par la France, la Belgique, le Canada, la Suisse, le Maroc, Haïti, l’Égypte.
Les films sont projetés au Centre National du cinéma (87 rue Lang Ha) en version originale, sous-titrés en français et en vietnamien, facilitant l’accès à un large public. Freda est diffusé à l’ambassade de Haïti.
Vendredi 21 mars – Haut et fort de Nabil Ayouch (Maroc – 2021 – 101 min)
Un nouvel animateur est engagé par le centre culturel d’un quartier excentré de Casablanca. Ancien rappeur, Anas va s’employer à aider les jeunes de l’endroit à exprimer leurs frustrations, leurs rêves, leurs désirs, leurs convictions par le truchement du hip-hop, danse et musique libératrices.
Samedi 22 mars – Cohabiter de Halima Elkhatabi (Québec — Canada — 2024 – 75 min)
En pleine pénurie de logements, des jeunes gens en quête d’une colocation explorent la possibilité de forger un lien réel avec l’autre. Premier long métrage d’une jeune documentariste montréalaise.
Samedi 22 mars – Les Porteurs d’espoir de Fernand Dansereau (Canada – 2010 – 90 min)
Une nouvelle méthode pédagogique est expérimentée dans une école primaire du Québec pour préparer la prochaine génération à relever les défis environnementaux. Sous la supervision de leur enseignant, des élèves apprennent à identifier, à analyser et à régler un problème se posant dans leur milieu. Documentaire.
Dimanche 23 mars – Heidi d’Alain Gsponer (Suisse-Allemagne – 2015 – 90 min)
Heidi et sa tante se rendent dans un village des Alpes suisses dans le but d’obliger un vieil homme à garder Heidi auprès de lui, car il est son grand-père. Après une vive discussion, la tante s’enfuit, laissant Heidi chez le vieil homme aigri.
Hoai Anh est allée voir le film avec ses filles
« Une bouffée d’air pur cinématographique inattendue ! »
Elle s’émerveille de la beauté des paysages et de la profondeur du récit dans un long article publié sur Facebook. Extrait
« L’expérience de visionnage est d’ailleurs des plus immersives, alternant des moments si poignants qu’ils pourraient arracher des larmes, et d’autres si joyeux et inspirants qu’ils provoquent des salves d’applaudissements spontanés dans la salle. Preuve de l’impact du film sur le jeune public, ma propre expérience a été agrémentée (et parfois légèrement épuisante !) des questions incessantes de ma fille de six ans, visiblement captivée par le destin d’Heidi : “Elle n’aime pas habiter dans une maison riche, elle préfère la maison pauvre ?”, “Elle préfère se baigner dans la maison pauvre plutôt que comme une princesse dans la maison riche ?”, etc. Ces interrogations enfantines, à la fois amusantes et profondes, témoignent de la manière dont le film parvient à toucher les cœurs et à susciter une réflexion, même chez les plus jeunes, sur les valeurs essentielles de la vie. »
Lorsque j’étais enfant, Heidi était très connue des jeunes lectrices. J’ai pour ma part dévoré les deux romans parus dans la Bibliothèque verte : Heidi et Heidi grandit. Les romans ont très vite été traduits dans le monde entier en plus de cinquante langues. L’autrice en est Johanna Spyri, de nationalité suisse (1827-1901), qui a publié une trentaine de livres pour la jeunesse après 1870.
Lundi le 24 mars – Une part manquante de Guillaume Senez (Belgique – 2024 – 98 min)
Tous les jours, Jay parcourt Tokyo au volant de son taxi à la recherche de sa fille, Lily. Séparé depuis neuf ans, il n’a jamais pu obtenir sa garde. Alors qu’il a cessé d’espérer la revoir et qu’il s’apprête à rentrer en France, Lily entre dans son taxi…
Hoai Anh y était avec son mari Hieu
« Mes plus sincères félicitations à Romain Duris, dont l’incarnation de Jay frôle la perfection. Sa capacité à transmettre la douleur, la détermination et l’espoir fragile de ce père déchiré doit être absolument saisissante. Son talent est indéniable et il est fort probable qu’il porte le film avec une intensité remarquable. […]
Je suis profondément touchée par cette histoire. Elle illustre avec force l’injustice de situations où un parent est coupé de son enfant et la cruauté potentielle des lois qui, au lieu de favoriser le maintien des liens familiaux, peuvent les briser davantage. La manière dont est dépeinte la relation avec sa fille métisse sont des aspects qui rendent ce film particulièrement émouvant. »
Mardi 25 mars – Plumes de Omar El Zohairy (Égypte — France — 2021 – 112 min)
Une mère de famille égyptienne doit subvenir seule aux besoins de sa famille, après la disparition de son mari.
Mercredi 26 mars – Sirocco et le Royaume des courants d’air de Benoît Chieux (France-Belgique – 2023 – 70 min) Animation – Jeune public –
Alors qu’elles sont gardées chez la romancière Agnès, une amie de leur famille, deux sœurs nommées Juliette et Carmen sont transportées dans le monde fantastique d’un livre écrit par Agnès.
Jeudi 27 mars – Freda de la réalisatrice haïtienne Gessica Généus (Haïti-Bénin-France–2021–94 min)
Freda habite avec sa mère et sa sœur dans un quartier populaire de Port-au-Prince. Face aux défis du quotidien en Haïti, chacune se demande s’il faut partir ou rester. Freda veut croire en l’avenir de son pays.
► Dans la cuisine des Nguyen, comédie musicale de Stéphane Ly-Cuong
Premier long-métrage sorti en France le 5 mars 2025
Yvonne Nguyen galère. Elle joue dans des petits théâtres et court le cachet comme chanteuse. Elle rêve de jouer dans une comédie musicale. Pour vivre, elle accepte des petits boulots, celui de Reine des nems pour un grand magasin asiatique. Comme son compagnon ne l’écoute plus, elle le quitte et retourne habiter chez sa mère. Conflits de générations. Divergences culturelles. La relation est rude entre les deux femmes, surtout qu’Yvonne ne veut pas lâcher ses rêves. Un film drôle, émouvant et profond, qui traite les questions de l’identité, du racisme ordinaire. Bravo !
Article à lire dans la rubrique Films
►À Hanoï, la lutte traditionnelle anime les festivités printanières

Les trois premiers mois de l’année lunaire, les tambours résonnent dans la ville de Hanoï, annonçant le début des compétitions de lutte traditionnelle. Ces événements ne célèbrent pas seulement l’esprit martial du peuple vietnamien, mais constituent aussi un moyen de préserver et de valoriser une part unique de la culture locale. Le Courrier du Vietnam
La plus connue des compétitions est celle du quartier de Mai Dông. Organisée dès le 4e jour du Nouvel An lunaire, elle est la plus ancienne de la capitale.
« Ce festival a des racines qui remontent à l’époque des Sœurs Trung (vers l’an 40). Les habitants de diverses régions viennent y participer. Avant chaque combat, les lutteurs rendent hommage aux ancêtres, puis commencent leur échauffement, avec des gestes symboliques permettant de se présenter à son adversaire », explique Vu Van Au, chercheur et collectionneur sur l’histoire de Mai Dông.

Les compétitions débutent avec la « lutte rituelle » réservée aux lutteurs âgés et expérimentés qui exécutent des gestes spécifiques appris des générations précédentes.
Elles ont lieu dans des espaces ouverts, où les lutteurs sont regroupés en fonction de leur âge et de leur poids. Certaines d’entre elles incluent même des compétitions féminines, qui attirent un large public. D’autres villages — ou quartiers — célèbrent aussi la lutte traditionnelle lors de grandes fêtes populaires.
►Exposition Marc Riboud au musée Guimet à Paris, jusqu’au 12 mai – Photographies du Vietnam 1966 – 1976
À l’occasion des 50 ans de la fin de la guerre du Vietnam, l’association Les amis de Marc Riboud et le musée Guimet (qui conserve le fonds du grand photographe français) s’associent pour présenter les photographies et documents d’archives retraçant le travail de Marc Riboud au Vietnam entre 1966 et 1976.
Marc Riboud (1923-2016) s’est rendu une dizaine de fois au Vietnam entre 1966 et 1976 : à Hanoï, à Saïgon, à Hué bombardée mais aussi sur les routes, dans les rizières comme dans les usines, dans les camps de réfugiés et de rééducation. Il y réalise de longs reportages, admirant le courage d’un peuple qui se bat avec des moyens misérables contre la plus grande puissance du monde.
À travers ses reportages transparaît le regard singulier de Marc Riboud qui s’attache aux lieux et aux personnes qu’il rencontre. Il n’a jamais été photographe de guerre et ne montre pas les combats mais la vie qui continue, envers et contre tout, dans les ruines, les corps qui tentent de se reposer dans les refuges de fortune, les amoureux qui se retrouvent près des abris anti-bombes.

L’exposition présente aussi l’une des photos les plus célèbres de Marc Riboud, en lien avec la guerre du Vietnam mais prise aux États-Unis, à Washington, le 21 octobre 1967, au cours d’une manifestation devant le Pentagone pour réclamer la cessation de la guerre au Vietnam. « La jeune fille à la fleur » devenue symbole de la paix.
Remarquable par sa composition, cette photographie met en lumière le contraste entre la fragilité de la jeune lycéenne — Jan Rose — respirant un chrysanthème et la force métallique des soldats aux baïonnettes pointées vers elle. Cette photo fera le tour du monde. Elle incarnera la non-violence et le visage très doux de la jeunesse d’Amérique. Elle inspirera les pacifistes du monde entier.
►Banksy, un street-artiste engagé à Échirolles – La guerre du Vietnam
La municipalité d’Échirolles (2e ville de l’Isère, limitrophe de Grenoble) a accueilli l’exposition Banksy du 12 au 27 avril. Affluence pour découvrir près de 280 œuvres du mythique et mystérieux artiste.
Banksy est né à Bristol (G.B.) en 1976. Depuis ses débuts dans les années 1990, il a acquis une notoriété et une reconnaissance que le street-artiste doit bien sûr à la qualité de ses productions, à son inventivité ainsi qu’à la dimension politique, sociale et sociétale de son travail. Mais le mythe Banksy doit aussi beaucoup au mystère entourant sa véritable identité.
Humaniste, anticapitaliste, anticolonialiste, féministe, écologiste, antiraciste, antifasciste… Chaque œuvre délivre un message épousant ses valeurs et engagements.
Les horreurs de la guerre du Vietnam sont présentes à travers plusieurs pochoirs de la collection.

À l’origine un photomontage réalisé en 1994 à partir du cliché attribué à Nick Ut, pris en 1972 pendant la guerre du Vietnam. Ici elle est accompagnée par deux mythes étatsuniens, Mickey et Mac Donald. Terrible contraste !
Une Préfassienne à qui j’ai envoyé la photo ci-dessus réagit : « La photo de la fille au napalm est très douloureuse et poignante. Avec Mickey et un clown, les symboles de la joie enfantine, mais en noir et blanc, cela me donne un sentiment plutôt effrayant et obsédant, notamment les sourires des deux personnages. La joie des enfants pendant la guerre, il n’y en a pas, seules les douleurs et les pertes existent. Les enfants pleurent, mais les envahisseurs tiennent leurs mains, rient, sont joyeux comme si c’était un dessin animé, une promenade à Disneyland. C’est un contraste horrible. Nous n’avons pas besoin de la joie et du bonheur venant de la vie en rêve que les envahisseurs nous tracent, donc nous nous battons toujours pour notre indépendance et notre identité. »
► Paternité de la photo « la petite fille au napalm » Source : Le Monde des 14 et 16 mai 2025
Associated Press confirme l’attribution de la photo à Nick Ut
Après la controverse lancée par le documentaire « The Stringer », réalisé par Bao Nguyen et projeté au festival américain de Sundance, l’agence Associated Press continuera d’attribuer l’image à Nick Ut, tout en admettant que le documentaire de Bao Nguyen soulève des questions.

Le concours de photographies World Press Photo opte pour la suspension
Partageant les résultats de l’enquête interne « menée sous la supervision et les conseils de World Press Photo », le concours affirme « partage[r] l’analyse selon laquelle, sur la base de l’analyse de l’emplacement, de la distance et de l’appareil photo utilisé ce jour-là, les photographes Nguyen Thanh Ngh ou Huynh Cong Phuc pourraient avoir été mieux placés pour prendre la photo, plutôt que Nick Ut ». « Par conséquent, nous avons suspendu l’attribution de La Terreur de la guerre à Nick Ut à partir d’aujourd’hui ».
►Rendez-vous avec Pol Pot, un film de Rithy Panh
Rithy Panh est né le 18 avril 1964 à Phnom Penh. Fils d’un instituteur devenu inspecteur d’école primaire au Cambodge, il a onze ans en 1975 au moment de la prise de pouvoir des Khmers rouges. Il est interné dans un camp de réhabilitation pendant les quatre ans d’un régime sanguinaire où toute la population est envoyée dans des camps de travail. L’adolescent est témoin des pires atrocités. Il perd ses parents et une partie de sa famille. Orphelin, il arrive en France en 1980. Après des études à l’IDHEC, il consacre son travail à la mémoire du génocide cambodgien par les moyens du cinéma.
Citons ses œuvres majeures :
– 2002 – S21, la machine de mort khmère rouge
– 2011 – Duch, le maître des enfers
– 2013 – L’Image manquante
– 2024 – Rendez-vous avec Pol Pot / Vu sur Canal+ en mai 2025
Le film s’appuie sur le témoignage de la journaliste étatsunienne Elizabeth Becker : Les Larmes du Cambodge (Presse de la Cité, 1988). Correspondante du Washington Post pendant la guerre du Vietnam, elle fut l’un·e des rares Occident·aux/·ales à se rendre au Cambodge du temps des Khmers rouges, entre 1975 et 1978, avant le renversement du régime par l’intervention militaire vietnamienne.
Rithy Panh situe la visite de trois visiteurs français au « Kampuchéa démocratique », en 1978. Le pays est d’ores et déjà victime d’un génocide et ruiné mais les trois visiteurs l’ignorent ou ne veulent pas le voir. Paul Thomas (Cyril Gueï) est photographe ; Lise Delbo (Irène Jacob), journaliste ; et Alain Cariou (Grégoire Colin), intellectuel maoïste qui eut jadis Pol Pot comme compagnon d’études en France.
Leur avion atterrit sur une piste rudimentaire, dans un endroit désert, où ils attendent qu’on vienne les chercher. Enfin, un responsable khmer rouge, accompagné de soldats, les emmène dans un logement rustique. Commence une série de visites guidées destinées à masquer la réalité du régime. Tout va bien : les repas sont copieux, le village tranquille et industrieux, les récoltes abondantes, l’artisanat de qualité. Pourtant tout est faux !
Le premier à douter de l’authenticité de ce qu’on leur montre est Paul, le photographe, qui s’échappe une première fois et découvre des corps gisant dans l’eau. Lise est angoissée de sa disparition. Alain, l’intellectuel feint le détachement et la certitude que son ami Pol Pot va les recevoir mais rien ne vient. Le temps passe. Paul disparaît une seconde fois, sans reparaître.
Les séquences de fiction alternent avec des images d’archives, des figurines de bois qui évoquent la vérité des sévices subis par la population déportée et anéantie. L’atmosphère ainsi créée à partir d’éléments disparates produit un effet anxiogène sur le/la spectateur/trice.
Lise Delbo est en proie à de terribles soupçons. N’obtenant pas de réponse satisfaisante de la part du camarade Sung, le cadre francophone qui les fait patienter, elle se met à comprendre que tout n’est que mensonge, faux semblants, propagande. Cariou, à son tour, se met à douter, constate la brutalité du régime mais l’explique par la difficulté d’imposer la révolution. Il pense que l’entrevue avec son ami Pol Pot le confirmera.
Arrive enfin le rendez-vous annoncé. Les deux Français sont emmenés à Phnom Penh dans un lieu luxueux, un ancien palais occupé par le frère numéro Un. Ce dernier les reçoit dans une salle dorée aux vastes proportions, aux larges fauteuils. Masqué par la pénombre, il répond aux questions de ses visiteurs, froissé lorsqu’elle formule une critique ou un doute. À la sortie du palais, des coups de feu éclatent. Cariou est tué. Dans quelles circonstances ? Par qui ? On ne le saura jamais. Lise, la seule survivante, prend le chemin du retour, effarée. Saisissant !

► Femmes d’exception – Exposition à Hanoï du 28 mai au 29 juin 2025
Dans le prolongement du cycle de débats « Femmes de pouvoir et femmes d’action », l’Institut français de Hanoï présente l’exposition « Femmes d’exception », un voyage inspirant à travers les parcours de 21 femmes remarquables qui ont marqué l’histoire de l’humanité.
Cette exposition met en lumière des femmes venues d’horizons géographiques et temporels variés qui ont excellé dans tous les domaines et se sont imposées comme des modèles de persévérance et d’excellence, nous rappelant que talent, volonté et engagement peuvent surmonter tous les obstacles.
La présentation de l’Institut français cite Chea Serey — gouverneure de la banque centrale du Cambodge — Nguyen Thi Binh — négociatrice alors des accords de paix de Paris en 1973 et vice-présidente du Vietnam entre 1992 et 2002 — et Claudie Haigneré — astronaute française —.
Exposition organisée par l’Institut français du Vietnam sur un concept original de Corinne Guitteaud, professeure et autrice française.

● Société – Commerce international – Droits de douane
► Rationalisation de l’appareil d’État et réforme institutionnelle, leviers de la prospérité
● La XVe Assemblée nationale a conclu sa 9e session extraordinaire mercredi 19 février, marquant une étape importante dans les efforts de réformes législatives et de restructuration administrative du pays. Le Courrier du Vietnam du 19.02.2025
Ci-dessous, conclusion de l’article qui n’annonce pas de mesures concrètes.
Le président de l’Assemblée nationale s’est déclaré convaincu que, sous la direction du Parti et avec l’effort collectif du système politique, et la solidarité et les efforts conjoints du peuple, de l’armée, des entreprises et des Vietnamiens d’outre-mer, le pays surmonterait tous les défis et atteindrait avec succès les objectifs fixés pour 2025 et au-delà.

● Le processus de réorganisation et de rationalisation des structures de l’appareil politique est en cours et, du niveau central au niveau local, la détermination est sans faille.
Le Courrier du Vietnam du 20.02.2025.
Extraits
– De nombreux cadres supérieurs au sein de comités du Parti et de comités populaires ont fait preuve de bonne volonté en proposant leur retraite anticipée.
– 300 fonctionnaires de la province de Dông Thap et autant de la province de Vinh Phuc, dont de nombreux hauts fonctionnaires, ont proposé de quitter leurs fonctions, bénéficiant ainsi de régimes de retraite anticipée ou de cessation d’activité.
– Le gouvernement comptera 14 ministères et 3 agences de niveau ministériel, soit cinq de moins qu’au début du mandat, pour éviter les fonctions qui se chevauchent.
● Suspension temporaire de la nomination et du transfert des fonctionnaires et cadres en raison de la restructuration organisationnelle.
Le Courrier du Vietnam du 11.03.2025
● Restructuration et la réorganisation des unités administratives impliquent une charge de travail considérable. Les 10 035 unités administratives communales seront divisées par 5.
Le Courrier du Vietnam du 14.03.2025
● Dans son article intitulé Développer le secteur privé – un levier pour un Vietnam prospère, publié lundi 17 mars, le secrétaire général du Comité central du Parti communiste du Vietnam (PCV), Tô Lâm, a dressé un bilan général des réalisations de près de 40 ans de Renouveau.
Le Courrier du Vietnam du 19.03.2025
– Le Vietnam est passé d’une économie planifiée, centralisée et peu efficiente, avec un revenu moyen par habitant de seulement 96 dollars en 1989, à une ascension remarquable. D’ici fin 2025, le pays devrait rejoindre le groupe des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, avec un niveau estimé à plus de 5 000 dollars par habitant et par an.
– À la fin de 2024, le Produit intérieur brut (PIB) national a connu une croissance continue pendant 44 ans, faisant du Vietnam l’un des pays à la croissance la plus rapide au monde. Le PIB est passé de 140,5 milliards de dollars en 2010 (soit 0,22 % du PIB mondial) à 362 milliards en 2021, 430 milliards en 2023, puis 476,3 milliards en 2024 avec un taux de croissance de 7 %.

– En 2010, le Vietnam occupait le 6e rang en Asie du Sud-Est, le 17e en Asie et le 53e mondial en termes de PIB. En 2024, sa position s’est améliorée, le plaçant au 5ᵉ rang en Asie du Sud-Est, au 14e en Asie et au 33e mondial.
C’est l’article du Monde résumé ci-dessous qui m’a alertée sur cette réforme et m’a conduite à des recherches (ci-dessus) sur le site du Courrier du Vietnam.
►Le Vietnam veut révolutionner sa bureaucratie
Brice Pedroletti, correspondant en Asie du Sud-Est, détaille les mesures et les objectifs des réformes annoncées. Le Monde du 19 mars
En vue d’atteindre une croissance économique à deux chiffres, le pays communiste annonce une « nouvelle ère d’essor national », qui passe par un aggiornamento majeur des pratiques administratives, un tournant vers les hautes technologies et des investissements colossaux dans les infrastructures. Chapeau de l’article + résumé
● Réorganisation de dix ministères en cinq.
● Disparition de plusieurs agences gouvernementales ;
● Simplification des doublons entre l’État et le parti ;
● Remaniement des subdivisions régionales, pléthoriques ;
● Quelque 100 000 fonctionnaires, 20 % des effectifs, devraient être mis à pied ;
● 3 % du budget de l’État devront désormais être consacrés « à l’innovation et à la transformation numérique » ;
● Train à grande vitesse pour relier Hanoï à Hô Chi Minh-Ville, soit 1 541 kilomètres ;
● Nouveau chemin de fer entre Lao Cai, à la frontière chinoise, et le grand port industriel de Haïphong ;
Projet de deux centrales nucléaires.
Par son ampleur, la « nouvelle ère d’essor national » qui doit s’ouvrir pourrait égaler la rupture qu’a constituée, dès 1986, la « politique du renouveau » (doï moï) dans une économie alors isolée, sous forte influence soviétique et meurtrie par trente ans de guerre.
►50e anniversaire de la libération du Sud-Vietnam (30 avril 1975)
● Samedi 26 avril, tout le monde travaille encore au Vietnam en prévision du long pont de cinq jours pour célébrer les fêtes du 30 avril (Chute de Saïgon) et du 1er mai. (Réunification et Fête du travail).
● Préfasse a répondu aux questions du chef du bureau de représentation du journal Nhân Dân en France: sur les raisons et les circonstances pour lesquelles Préfasse s’est engagé au Vietnam, sur l’amitié entre les peuples français et vietnamien, sur les changements qu’a connus le Vietnam au cours de ces derniers temps et sur l’avenir.
● Les médias français parlent de l’événement ! Hier soir 29 avril la chaîne ARTE diffusait une série documentaire inédite : Vietnam, la naissance d’une nation
En 4 épisodes de 55 min, les deux réalisateurs Mollica Lucio et Philipp Gromov embrassent une large période : de la colonisation sous le Second Empire aux années qui ont suivi la réunification. La série passe rapidement sur les premiers temps de la colonisation et la Seconde Guerre mondiale pour cibler les trente années décisives de la lutte (1945-1975), de la déclaration d’indépendance du 2 septembre 1945 par Hô Chi Minh place Ba Dinh à Hanoï, à la victoire de Diên Biên Phu en 1954 et la prise de Saïgon par l’armée du Nord Vietnam et le Viet Cong en 1975.
La documentation est foisonnante. Les réalisateurs respectent la chronologie. Ils ont bénéficié d’un impressionnant fonds d’archives prêtées par les autorités vietnamiennes. On voit notamment des images très peu diffusées d’exactions de l’armée « régulière » du Sud-Vietnam pratiquant noyades, bastonnades et torture, y compris la fameuse « gégène » qui sera plus tard utilisée par l’armée française en Algérie.
Le point de vue est celui des Vietnamien·nes qui furent en première ligne et ont dû choisir un camp, souvent très jeunes. Les témoignages sont nombreux et divers. Ils donnent à la série une forte charge émotionnelle et reflètent les fractures et les douleurs passées et présentes. Les témoins sont des combattant·es communistes du Nord et des militant·es clandestin·es du Sud, des vétérans des armées Viêt-Minh et Viêt-Cong mais aussi de l’armée du Sud-Vietnam ; des enfants métis de soldats marocains enrôlés par la France ; une descendante de la famille royale, le fils de l’ancien secrétaire général du Parti communiste du Sud-Vietnam, Lê Duân… Certain·es sont installé·es aux États-Unis.
Tran To Nga — que j’ai rencontrée à Meylan fin 2024 — apparaît à plusieurs reprises, évoquant sa mère membre du Viêt-Cong, son éloignement pour être en sécurité à Hanoï, la piste Hô Chi Minh, l’agent orange. (Cf. site de Préfasse – Ma terre empoisonnée de Tran To Nga)

► Droits de douane – Le Vietnam est ciblé
Après la déclaration de guerre économique lancée par Donald Trump au monde entier, le 2 avril, je vous propose de suivre la situation au Vietnam et en Asie du Sud-Est, à travers des titres, de courts extraits et des résumés d’articles du Courrier du Vietnam, du Monde et de Médiapart.
● En avril, le Vietnam ajuste les taxes d’importation pour renforcer ses échanges avec les États-Unis. Le Courrier du Vietnam du 1er avril 2025
Un jour avant les annonces exorbitantes de Trump, le Vietnam anticipe et baisse ses droits de douane sur certains produits importés des États-Unis.
« À partir du 31 mars, certains produits tels que les voitures, le bois, l’éthanol, les cuisses de poulet congelées, les pistaches, les amandes, les pommes fraîches, les cerises, les raisins secs, etc., seront soumis à de nouveaux taux de taxes d’importation préférentiels. »
Le quotidien rappelle les chiffres expliquant les décisions du ministère des Finances vietnamien :
– les États-Unis restent le principal partenaire commercial du Vietnam, soit 30 % de ses exportations. – En 2024, les échanges bilatéraux ont dépassé 132 milliards de dollars ;
– soit 119 milliards de dollars d’exportations vietnamiennes vers les États-Unis (+23,3 % en un an ;
– et 15 milliards de dollars d’importations américaines (+7,3 %) ;
– déficit commercial américain avec le Vietnam = 104 milliards de dollars, soit sept fois la valeur des biens américains importés par le Vietnam.
● Face aux mesures tarifaires américaines, le Vietnam mise sur la flexibilité pour limiter les impacts. Le Courrier du Vietnam du 3 avril 2025, après-midi

« Le 2 avril (heure locale), le président américain Donald Trump a signé un décret imposant des droits de douane réciproques à partir du 9 avril, visant des dizaines d’économies, dont le Vietnam, avec un taux de 46 %, l’un des plus élevés au monde. Ce niveau est même supérieur aux taux appliqués à la Chine (34 %), à l’UE (20 %), à l’Inde (26 %) et au Japon (24 %). »
● Donald Trump déclare une guerre commerciale au monde entier, entraînant les États-Unis dans l’incertitude économique. Le Monde, 3 avril 2025
(Le même jour, le quotidien français choisit un autre registre et un autre champ lexical.)
Washington n’avait jamais érigé de telles barrières douanières depuis les années 1930. Il apparaît que leur montant a été évalué, pays par pays, sur la base de calculs sans assise scientifique.
[…] « 34 % de droits de douane sur les importations chinoises (s’ajoutant aux 20 % déjà imposés depuis janvier), 20 % sur celles en provenance de l’Union européenne (UE), 32 % sur Taïwan et 24 % sur le Japon. Pour toute la planète, une ponction minimale de 10 % est infligée. Les marchés financiers ont été douchés par l’ampleur de l’annonce. […]
Pour expliquer sa démarche, Donald Trump a présenté un grand tableau, sur lequel ses services ont estimé les droits de douane réellement pratiqués par ses partenaires. […] L’administration Trump est ainsi parvenue à des chiffres mirobolants : les États-Unis seraient frappés à 67 % par la Chine, 46 % par le Japon et 39 % par l’UE. En réalité, Le Monde a constaté que ces chiffres proviennent d’une équation sans aucune valeur économique. En prenant l’exemple du Japon, de l’UE, de la Suisse et du Vietnam, nous avons confirmé qu’il s’agissait d’une division du montant du déficit commercial bilatéral par celui des importations en provenance du pays concerné. Le vertige guette : la guerre commerciale mondiale est lancée sur la base de calculs sans assise scientifique. […]
Donald Trump a évoqué le Cambodge, l’un des pays les plus pauvres du monde, à l’économie six cents fois plus faible que celle des États-Unis. “Oh, regardez le Cambodge, 97 % [de droits supposés]. On va le ramener à 49 %. Ils ont fait fortune avec les États-Unis d’Amérique”, a-t-il osé, faisant ricaner l’assistance. […] »
● Les droits de douane réciproques américains suscitent l’incompréhension au Vietnan
Le Courrier du Vietnam du 3 avril 2025, 20 h 28
(Le 3 avril au soir, le Vietnam exprime son incompréhension et son inquiétude. Extraits)
« Nous voulons tous atteindre l’équilibre commercial, a-t-il ajouté. Mais l’équilibre doit s’accompagner de croissance – d’un volume d’échanges plus important, et nous ne devrions pas y remédier par des taxes ». […] Nguyên Quôc Hung, directeur du Département de la politique fiscale du ministère, a déclaré qu’il était primordial de comprendre comment le président américain Trump a pu invoquer l’imposition par le Vietnam d’un droit de douane de 90 % sur les produits américains, et comment son « droit de douane réciproque » de 46 % a été calculé. […]
« Selon Nguyên Quôc Hung, un rapport récent du Bureau du représentant américain au commerce indique que le taux moyen de taxe à l’importation pour les marchandises importées au Vietnam n’est que de 9,4 %. Il précise également que la plupart des marchandises américaines importées au Vietnam sont soumises à un taux de taxe à l’importation de 15 % ou moins, à quelques exceptions près. » […] « Nous constatons que cela aura un impact très négatif sur nombre de nos industries manufacturières, en particulier celles qui exportent massivement vers les États-Unis, comme les composants électroniques, l’agriculture, le textile et la chaussure, a-t-il indiqué. »[…]
● Le Vietnam propose aux États-Unis de reporter l’imposition des taxes d’un à trois mois
Le Courrier du Vietnam du 4 avril 2025, 22 h 53
● Suspension des droits de douane : une mesure positive
Le Courrier du Vietnam du 10 avril 2025, 13 h 50
« La décision du président américain Donald Trump de suspendre pour 90 jours les tarifs douaniers réciproques avec plus de 75 économies, dont le Vietnam, est une mesure positive, a déclaré le 10 avril la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Pham Thu Hang. »
● Le Vietnam se défend de réexporter les produits chinois vers l’Amérique
Les exportations chinoises au Vietnam n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Or au moins un quart de ce flux est réacheminé vers les États-Unis, justifiant les griefs de Washington envers les autorités vietnamiennes, lesquelles cherchent à démontrer leur bonne foi en traquant les abus et le commerce illégal. Extraits de l’article de Brice Pedroletti, Le Monde du 24 mai 2025
Chasse aux contrefaçons
« Une première enquête de l’administration des douanes vietnamienne fait la chasse aux contrefaçons de grandes marques venant de Chine — dans le luxe, mais aussi les jouets, les produits électroniques et même les shampoings — et ensuite exportées aux États-Unis. Lancée le 1er avril, donc de manière préemptive la veille des annonces de M. Trump, elle visait à répondre aux accusations des États-Unis faisant du Vietnam une plaque tournante pour ces activités illégales : les exportateurs chinois déjouent les contrôles faits par leur propre gouvernement en acheminant leurs marchandises au Vietnam, en contrebande ou de manière frauduleuse. »
Les économistes incitent à la nuance
« Les griefs américains contre le Vietnam émanent de la corrélation presque parfaite entre les importations chinoises du Vietnam, et les exportations du Vietnam vers les États-Unis : les deux courbes se suivent depuis au moins dix ans. Les économistes incitent toutefois à la nuance : en se basant sur les données détaillées de l’Asian Development Bank pour les échanges commerciaux, les chercheurs Roland Rajah and Ahmed Albayrak du Lowy Institute en Australie font remarquer sur le site The Interpreter que les importations chinoises du Vietnam ont nourri le boom des exportations vietnamiennes non seulement en direction des États-Unis, mais aussi du reste du monde. Le contenu chinois indirectement exporté vers l’Amérique concernerait aujourd’hui environ 25 % des importations vietnamiennes en provenance de Chine. Si c’est trois fois plus qu’en 2018 (8 %), cela signifie aussi que “les trois quarts des importations en provenance de Chine s’expliquent par des facteurs autres que les exportations chinoises cachées vers l’Amérique”, soutiennent-ils. »
Blanchiment d’origine
« Une partie (des exportations) constitue certainement ce que les experts appellent du “blanchiment d’origine” : les plateformes chinoises comme Xiaohongshu, réseau social en même temps que temple chinois de la consommation et des services en ligne, regorgent d’annonces d’agents de fret ou de consultants proposant des solutions logistiques au casse-tête douanier de Donald Trump. Les produits sont envoyés dans un pays tiers, réétiquetés et réexportés avec de nouveaux certificats d’origine. Le Vietnam, mais aussi la Thaïlande et la Malaisie ont promis de resserrer leurs contrôles. »
À la demande des grandes marques américaines
« Surtout, la dynamique de délocalisations de Chine impulsée en 2018 lors du premier mandat de Donald Trump devrait s’accélérer : les exemples montrent qu’elles ont lieu le plus souvent à la demande des grandes marques américaines ou internationales. Des cohortes de fabricants d’articles de sport, de décoration, de fournitures scolaires du sud de la Chine cherchent ainsi des coopérations avec des usines vietnamiennes ou créent dans ce pays de nouvelles bases de production. »
Gestes de bonne volonté : un golf Trump et une Trump Tower
Pour ramollir la pression douanière de Washington, rien de tel toutefois que quelques gestes de bonne volonté : le Premier ministre vietnamien Pham Minh Chinh s’est rendu en personne le 21 mai à la pose de la première pierre du futur complexe de golf Trump International de Hung Yen, non loin de Hanoï, en présence d’Éric Trump, vice-président exécutif de la Trump Organization et fils du président américain. Le projet, d’un montant de 1,5 milliard de dollars, a été approuvé en un temps record. Trump Junior s’est ensuite envolé pour Hô Chi Minh-Ville afin de repérer des emplacements pour une potentielle Trump Tower.

Trump International de Hung Yen, non loin de Hanoï (Vietnam), le 21 mai 2025
► Donald Trump va-t-il subir un revers majeur dans sa guerre commerciale ?
Dans un jugement publié mercredi 28 mai, un tribunal américain, spécialisé sur les questions de commerce international, a bloqué les droits de douane dits « réciproques », voulus par le président des États-Unis et imposés sur l’ensemble des produits entrant aux États-Unis.
Si les trois juges du tribunal de commerce international des États-Unis (ITC), établi à New York, ne contestent pas, dans leur décision, la possibilité pour les États-Unis d’augmenter les surtaxes que le pays impose sur ses importations, ils ont estimé qu’elles relevaient d’une prérogative du Congrès et que Donald Trump avait outrepassé ses pouvoirs.
► La visite du président français au Vietnam
● Au Vietnam, Emmanuel Macron veut profiter du big bang réformateur en cours pour favoriser les investissements français
Extraits de l’article de Brice Pedroletti, Le Monde du 26 mai 2025

Soutenir des projets
« L’Élysée présente cette tournée comme l’occasion, pour la France et l’Europe, de s’affirmer comme des partenaires “fiables” et “respectueux” de la souveraineté des États de la région, “prise entre les tensions commerciales américaines” et “une Chine de plus en plus assertive”. Il s’agit aussi de soutenir des projets concrets dans l’énergie, les transports, la défense ou l’espace – autrement dit, de proposer des solutions françaises à des économies en pleine mutation : le Vietnam, moteur de croissance fort de 100 millions d’habitants, et l’Indonésie, géant démographique en quête d’un nouveau souffle. Tous deux sont éligibles aux financements occidentaux (et notamment français) du Partenariat pour une transition énergétique juste, lancé en 2021 pour accompagner leur transition énergétique. »
Une absence prolongée
« Si Emmanuel Macron s’était rendu en Indonésie en 2022, à l’occasion du G20, aucun président français n’avait foulé le sol vietnamien depuis François Hollande, en 2016. Une absence prolongée, peu cohérente avec une relation que Paris qualifie pourtant de “privilégiée” – héritage de l’histoire coloniale, certes, mais aussi d’un tournant diplomatique majeur : en 1993, François Mitterrand avait été le premier chef d’État occidental à visiter un Vietnam encore sous embargo américain.
Depuis, la dynamique patine. Au-delà de quelques contrats emblématiques, comme celui d’Alstom pour le métro de Hanoï, les signes d’une influence française durable restent faibles. La francophonie s’y montre moribonde, et la part de marché des entreprises françaises dans le pays est marginale. »
● Le Courrier du Vietnam y a consacré de nombreux articles
Visite d’État du président français au Vietnam : « une nouvelle impulsion » pour les liens bilatéraux 23/05/2025 23 h 00
Au seuil de la visite d’État au Vietnam du président français Emmanuel Macron, du 25 au 27 mai, l’ambassadeur de France au Vietnam, Olivier Brochet, a partagé avec Le Courrier du Vietnam les enjeux politiques et diplomatiques de ce déplacement historique, ainsi que les perspectives pour les relations bilatérales.
Le président Emmanuel Macron arrive à Hanoï pour une visite d’État au Vietnam
25/05/2025 23 h 26
Le président français Emmanuel Macron et son épouse sont arrivés à Hanoï dimanche soir 25 mai, entamant une visite d’État de trois jours au Vietnam à l’invitation de son homologue vietnamien Luong Cuong.
Le président Luong Cuong préside la cérémonie d’accueil officielle de son homologue français Emmanuel Macron 26/05/2025 12 h 03
Le président Luong Cuong et son épouse ont présidé ce lundi matin, 26 mai à Hanoï, la cérémonie d’accueil officielle du président français Emmanuel Macron et de son épouse en visite d’État du 25 au 27 mai au Vietnam.
● Le secrétaire général Tô Lâm et le président français visitent le Temple de la Littérature
26/05/2025 20 h 29
Dans le cadre de la visite d’État du président français au Vietnam du 25 au 27 mai 2025, le 26 mai à midi, le secrétaire général du Parti, Tô Lâm, et son épouse Ngô Phuong Ly, ont accompagné le président français, Emmanuel Macron, et son épouse Brigitte Macron, lors d’une visite au Temple de la Littérature – Quôc Tu Giam.
● Entretien entre les présidents vietnamien et français
26/05/2025 20 h 14
À l’invitation de son homologue vietnamien, Luong Cuong, le président français, Emmanuel Macron, et son épouse effectuent une visite d’État au Vietnam du 25 au 27 mai. Il s’agit de la première visite d’un président français au Vietnam depuis près de dix ans, et du premier échange de haut niveau entre les deux pays depuis l’élévation de leurs relations au niveau de Partenariat stratégique global en octobre 2024.
● Conférence de presse commune des présidents vietnamien et français
26/05/2025 22 h 19
Le président vietnamien, Luong Cuong, a souligné que la visite d’État du président français, Emmanuel Macron, au Vietnam, du 25 au 27 mai 2025, reflète la volonté commune de porter les relations bilatérales à une nouvelle hauteur, affirmant qu’il s’agit de la première visite de haut niveau depuis l’établissement du partenariat stratégique global en octobre 2024.
● Le président français Emmanuel Macron rencontre des étudiants à Hanoï
27/05/2025 17 h 10
Le président français, Emmanuel Macron, son épouse et la vice-présidente vietnamienne, Vo Thi Anh Xuân, ont visité le 27 mai l’Université des sciences et technologies de Hanoï (USTH), créée en vertu des accords bilatéraux signés en 2009 et 2018.
● Vietnam – France : neuf accords de coopération signés
27/05/2025 18 h 54
Neuf accords de coopération entre des entreprises et institutions vietnamiennes et françaises ont été signés le 27 mai à Hanoï, en marge de la visite d’État au Vietnam du président Emmanuel Macron. Une illustration concrète de la volonté des deux pays d’approfondir une relation bilatérale de longue date.

►Les rapatriés oubliés d’Indochine
Des Français issus des anciennes colonies d’Asie ont vécu dans des camps aux airs d’enclave coloniale, dans le Lot-et-Garonne. Plus de soixante-dix ans après la fin de la guerre d’Indochine, à l’Assemblée nationale, les députés examinent une proposition de loi qui reconnaît les privations, les atteintes aux libertés et les souffrances subies.
Le Monde du 21 mai 2025 y consacre un long article
Synthèse
Après la défaite de Diên Biên Phu, la France évacue à la hâte 44 000 ressortissants des colonies d’Extrême-Orient. Ils se nomment Joseph, Gilberte, Daniel, Suzanne, Henri, Claudine, Raoul, Marie-France… et parlent vietnamien. Ils se considèrent comme « les premiers décolonisés de l’empire. »
Environ 6000 d’entre eux ont vécu dans des camps militaires à l’abandon à partir de 1956. Celui de Sainte-Livrade dans le Lot-et-Garonne est le plus grand, est devenu une sorte de « petit Vietnam » administré comme aux temps des colonies. Le Monde a pu rencontrer des témoins de l’époque. Ils témoignent.
Charles Maniquant – 98 ans en 2025 – s’était engagé comme parachutiste dans l’armée française de 1946 à 1954. Il devait sauter sur Dien Bien Phu, le 7 mai 1954, mais l’opération fut annulée quand le dernier point d’appui est tombé vers 17 heures. Ce Français de Hanoï a passé le reste de sa vie dans le camp du Lot avec ses médailles et ses souvenirs. « Je m’y suis habitué ».

À droite Charles Maniquant en 2025
Après les accords de Genève qui mettent fin à la guerre d’Indochine (juillet 1954) les autorités françaises fuient le Nord-Vietnam communiste. Les hommes eurasiens, les emmes indochinoises de militaire ou de fonctionnaire, les femmes françaises ayant un amant asiatique disparu dans la guerre, et leurs enfants métis ont vingt-quatre heures pour quitter Hanoï. Direction Saïgon, au sud du 17e parallèle où ils resteront deux ans dans des camps provisoires. Jusqu’à ce que le président sud-vietnamien Diem les juge indésirables et les chasse définitivement du pays.
Ils se vivent comme français, ils sont employés des travaux publics, artificiers du génie militaire, inspecteurs de la sûreté, gardiens de prison ou agents des douanes, instituteurs, chefs de chantier sont considérés comme « des citoyens de seconde zone ». Ils voyagent au fond des cales de paquebots de croisière européens transformés en navires de secours. Ils débarquent à Marseille vingt-cinq jours plus tard au milieu des marchandises. Pour Daniel Freche, 79 ans, dont le grand-père douanier possédait un domaine qui fournissait du caoutchouc à Michelin, « L’État veut effacer la défaite de l’Indochine, alors il efface les rapatriés. »
1 200 sont affectés à Sainte-Livrade : 8 hectares de campagne, entourés de fil barbelé. Une poudrerie désaffectée a été transformée en camp à 3 kilomètres du bourg. S’y dressent 36 baraquements en brique, longs et bas, coiffés de toits de tôle et alignés entre des pistes de terre battue. Les nouveaux venus reçoivent une paillasse, une gamelle, des couverts, des couvertures et une ration de charbon par semaine. Les conditions de vie sont sommaires, sans salle d’eau, sans sanitaires ni électricité, dans ces installations où grouillent rats et cafards.
On leur dit que cette installation est provisoire : elle va durer cinquante ans, jusqu’aux années 2000.
La vie au camp est réglée de façon quasi militaire : extinction des feux à 22 heures et lever du drapeau au clairon. Le directeur et ses assistants, des militaires ayant « fait l’Indo », tiennent des fiches sur chaque famille. Autres contraintes, la restriction des déplacements, les visites soumises à autorisation, les réfrigérateurs interdits. Pour obtenir l’assistance de l’État, il faut avoir tout perdu et ne posséder aucun signe de richesse. La moindre revendication, même timide, entraîne des sanctions et l’intervention des gendarmes mobiles.

La présence d’un curé missionnaire en soutane contrôle les consciences. Les 740 enfants sont baptisés — catéchisme obligatoire — alors que leurs parents sont bouddhistes le plus souvent. Ils récitent aussi « nos ancêtres les Gaulois ».
Les photos d’archive reflètent les origines variées des géniteurs venus des colonies françaises — Réunion, Guyane, Sénégal, Maroc, Madagascar, Cambodge — et passés par l’Indochine dans les contingents de la Légion étrangère.
Au début des années 1960, changement de statut : le village néocolonial tombe dans l’oubli, le mot « rapatrié » disparaît dans les documents officiels, au profit de « Français d’Indochine ». Les voilà exclus de la loi sur les rapatriés de 1961, votée pour accueillir ceux d’Algérie. Or cette loi les concernait explicitement puisqu’elle apporte l’aide de la nation aux Français ayant dû quitter, à la « suite d’événements politiques », un territoire sous la « souveraineté de la France » où ils étaient établis.
Plus tard, les boat people fuyant le pays après la chute de Saïgon et le régime des Khmers rouges au Cambodge, en 1975, susciteront davantage de compassion et marqueront les esprits. Les rapatriés d’Indochine, eux, vivent en vase clos. Ils sont à présent 2 000 à Sainte-Livrade.
Raoul Sinnouretty, 73 ans, dont le père originaire du comptoir français de Pondichéry, en Inde, supervisait les centres hydrauliques du Tonkin, puis les routes et les ponts dans le nord du Vietnam se souvient : « Pour les gens de la région, on était “les Chinois” ». Les paysans des environs venaient chercher les femmes et les enfants « chinois » pour ramasser les haricots, au noir. Les hommes travaillent dans les exploitations agricoles et les conserveries.
Aux élections législatives de 1958, on réunit les adultes et on leur explique comment voter pour le candidat gaulliste.
Après Mai 1968, des adolescents eurasiens, vêtus de ces pantalons pattes d’éléphant se montrent plus rebelles. Des bagarres éclatent en marge des bals de campagne, sur fond de racisme et de rejet des « blousons jaunes », ces jeunes en mal de repères.
Dans une lettre au préfet, les habitants du village dénoncent le camp comme un « bouillon de culture de vices », ils réclament l’expulsion des « énergumènes », menaçant même de s’organiser en « milice locale ». La presse de l’époque parle d’échec d’intégration, de ghetto, d’assistanat.

En vieillissant, ces jeunes gens ont compris le traitement subi par leurs aînés. « C’était l’esprit colonial, on nous considérait comme des niakoués. » Terme péjoratif signifiant paysan, utilisé pour nommer les Indochinois.
« Un tiers est parti loin, un tiers est au paradis, un tiers est revenu », estime Dominique Gillard, qui a grandi au CAFI et y est retourné pour couler sa retraite, après avoir conduit les bus de la RATP. Celles et ceux qui ont quitté le camp sont devenus enseignant, policier, attaché administratif, salarié d’entreprise, ingénieur, médecin, architecte, journaliste… « Mes deux garçons ont une vie meilleure, je peux être tranquille », confie Henri Cazes, dans un café parisien.
2025 – Miracle ! À l’Assemblée nationale, des députés se sont saisis de cette histoire. Une proposition de loi portant « reconnaissance de la nation envers les rapatriés d’Indochine et réparation des préjudices subis », signée par 101 parlementaires de gauche comme de droite, doit être débattue, le 3 juin.
Régine Hausermann, 29 juillet 2025