Địa Đạo / Sun in the dark / Tunnels

Un film de Bùi Thạc Chuyên – 2025

Affiche du film

L’étreinte glaciale de la guerre, illuminée par l’amour et la foi – Cu Chi 1967

« Địa Đạo: Mặt Trời Trong Bóng Tối » (Les Tunnels: Le Soleil dans l’Ombre) se présente comme une œuvre commémorative poignante, dédiée au cinquantième anniversaire de la réunification du Vietnam. Fort de plus de dix ans de gestation sous la direction de Bùi Thạc Chuyên, le film nous plonge au cœur de Củ Chi en 1967. On y suit le quotidien âpre et la résistance farouche d’un groupe de miliciens, retranchés dans un dédale souterrain face à la puissance militaire américaine.

L’ingéniosité de leur guérilla, leur courage face aux chars d’assaut avec des armes dérisoires – la joie presque enfantine à la réception d’un B40 antichar en témoigne – forcent l’admiration. Ces combattants improvisés, dont les maigres rudiments d’arts martiaux contrastent avec l’entraînement rigoureux de l’ennemi, incarnent une jeunesse sacrifiée, animée d’une soif inextinguible d’indépendance.

Thái Hòa, dans le rôle de Bảy Theo, crève l’écran. Son interprétation nuancée d’un héros ordinaire, à la fois rude et vulnérable, portant le poids des secrets et des responsabilités, est indéniablement le point culminant du film. Son regard intense vers la caméra dans les dernières séquences glace le sang et témoigne d’un talent brut.Quang Tuấn, loin de ses rôles habituels dans le cinéma d’horreur, offre une performance surprenante en Tư Đập, un mécanicien citadin réfugié dans la zone de guerre. Son personnage apporte une bouffée d’air frais et un humour bienvenu dans cette atmosphère pesante. Hồ Thu Anh, quant à elle, incarne avec force et sensibilité la combattante Ba Hương, marquant une étape significative dans sa jeune carrière.

Visuellement, le film est saisissant. La reconstitution méticuleuse des tunnels de Củ Chi, jusqu’aux détails organiques des racines et aux pièges artisanaux, immerge le spectateur dans une réalité suffocante. La scène de l’offensive américaine, avec ses centaines de cafards grouillants, est particulièrement marquante, évoquant l’inconfort et l’horreur viscérale de la guerre.

Le réalisateur Bui Thac Chuyen a conçu « Tunnels » pendant plus d'une décennie
Le réalisateur Bui Thac Chuyen a conçu « Tunnels » pendant plus d’une décennie

Pourtant, malgré l’indéniable qualité de la réalisation et des interprétations, « Địa Đạo : Mặt Trời Trong Bóng Tối » laisse un goût amer. L’omniprésence de la peur, la tension palpable à chaque instant, la cruauté des combats, tout concourt à une expérience cinématographique éprouvante. Le film réussit brillamment à illustrer la brutalité de la guerre et l’héroïsme des combattants vietnamiens.

Il faut également souligner le détail poignant de la fin : l’instant où Bảy Theo expire, sa mission accomplie, et où ses lèvres murmurent le mot « Mặt trời » (soleil). Ce détail précieux du film affirme avec force le coût exorbitant de la paix.

Cependant, au milieu de cette étreinte glaciale de la guerre, une lueur d’espoir et d’humanité a percé. La relation entre Ba Hương et Tư Đập, culminant dans leur moment d’intimité, a été un véritable soulagement. Dans cet environnement de mort et de destruction, voir naître et s’épanouir un sentiment aussi fondamental que l’amour entre un homme et une femme a apporté une fragile consolation. Cela a rappelé que même dans les circonstances les plus désespérées, le besoin de connexion et d’affection subsiste. Cette scène a permis de respirer un peu, de sentir que malgré l’horreur, la vie et l’amour trouvaient toujours leur chemin.

Une question lancinante me traverse l’esprit : comment une armée du peuple, armée de fusils rudimentaires, de bâtons et de pièges sommaires, a-t-elle pu triompher d’un ennemi équipé jusqu’aux dents ? La réponse réside dans une foi inébranlable et un courage indomptable. Voir ces combattants se jeter au-devant du danger, animés par une conviction profonde, est à la fois terrifiant et profondément inspirant. Et il ne faut pas oublier le rôle stratégique crucial de Củ Chi, plaque tournante essentielle pour la transmission des informations et du renseignement durant la guerre contre les Américains. Ce réseau de tunnels invisible était un atout majeur. La victoire fut le fruit d’un courage immense et d’une stratégie ingénieuse.

Si l’on ne peut qu’être admiratif devant la bravoure et la détermination qui ont permis la victoire, personnellement, le film ne provoque pas le même élan de chaleur et de nostalgie que « Đào, Phở và Piano ». Là où ce dernier célébrait un amour vibrant au milieu du chaos, « Địa Đạo » nous confronte sans détour à la froideur et à la violence d’un conflit qui a marqué à jamais une nation. Le soleil dans l’ombre est bien là, mais il peine à réchauffer le cœur serré du spectateur, malgré la fragile beauté de l’amour et la force de la foi qui y ont brièvement fleuri.

Hoai Anh, professeure de FLE à Hanoï

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