Bao Ninh

Bao Ninh
Bao Ninh – né en 1952, de son vrai nom Hoang Au Phuong – a dix-sept ans en 1969, lorsqu’il est « invité » à la guerre dans le Sud du pays. Il en a vingt-trois ans lors de la chute de Saïgon, le 30 avril 1975. Il était membre des troupes qui ont occupé Tan-Son-Nhat, l’aéroport international de Saïgon.
Bao Ninh est l’un des dix survivants des cinq cents hommes d’une glorieuse unité, la 27ème brigade de la jeunesse qu’il a rejointe en 1969 « pour chasser les Américains ». Mais après les accords de Paris en 1973 et le retrait des Américains, la guerre civile dure encore deux ans, jusqu’en 1975. Puis il reste une année supplémentaire dans l’armée, avant de rentrer à Hanoï.
En 1986, après trois années d’études universitaires, vécues comme un refuge, il s’est jeté sur une vieille machine à écrire.
En 1991, Bảo Ninh publie son unique roman, Le Chagrin de la guerre, qui obtient le prix de l’association des écrivains vietnamiens et obtient un grand succès. Mais le roman est censuré pendant quinze ans avant d’être de nouveau disponible en librairies au Viêtnam depuis 2005.
Bao Ninh vit modestement, avec sa femme institutrice et son fils, dans un minuscule deux-pièces à Thanh Cong, un quartier de Hanoï.

Traduction de la notice sur le Wikipédia vietnamien
« Le Chagrin de la guerre (titre original : Le Destin de l’amour) est un roman de l’écrivain Bao Ninh, publié pour la première fois en 1990 et qui a immédiatement provoqué une “tempête” sur la littérature vietnamienne sous tous ses aspects. . Ce travail a continuellement reçu des récompenses, des prix et de grands honneurs. L’auteur de The Sorrow of War est honoré par de nombreux critiques nationaux et étrangers en tant qu’auteur du “roman le plus émouvant sur la guerre du Viêtnam”, “le livre qui touche le dénominateur commun de l’humanité”, “la plus grande réussite de la littérature d’innovation”…
L’œuvre a été publiée pour la première fois en Chine, traduite par l’écrivain Ha Lo sous le nom de War of Ai Ge.
La censure – Il fut un temps où le roman The Sorrow of War a été interdit d’impression pendant de nombreuses années en raison de la censure. Jusqu’en 2005, ce roman n’a réapparu aux lecteurs qu’après avoir été renommé Le Destin de l’amour. Après cela, le livre a été réimprimé sous le célèbre nom officiel : The Sorrow of War, et a été traduit dans de nombreuses langues. Cependant, le livre est toujours strictement censuré en raison de l’opinion de l’État selon laquelle “la guerre doit être noble et héroïque, il ne peut y avoir d’histoires tristes et stupides. Nos soldats sont des gens courageux et fiers, aucune peur de la mort… seulement l’ennemi est tyrannique et diabolique…”.
Publié à l’étranger Le livre en 2011 a été traduit et introduit dans 18 pays à travers le monde. »

À lire, un très bel article de Patrick Autréaux publié dans Les Lettres françaises en 2019 N° 171
« Je ne l’ai rencontré qu’une seule fois. Le Viêtnam s’ouvrait tout juste alors. Sachant mon intérêt pour la littérature de leur pays, des amis avaient profité de ma présence là-bas pour réunir quelques écrivains. Plusieurs générations s’étaient rejointes dans un petit appartement. Lui, Bao Ninh, on me l’avait présenté comme l’auteur d’un roman qui avait fait beaucoup de bruit à sa parution à la fin des années quatre-vingts, et été interdit depuis. Cet après-midi-là, il n’avait presque rien dit. Il avait écouté les uns et les autres. Il se taisait devant les dissidents présents, ceux du moins qui avaient osé venir.
Je ne soupçonnais pas que son livre bien plus tard allait me retrouver. Qu’il deviendrait même une des nervures de ma relation avec ce pays. »
La suite sur https://www.patrickautreaux.fr/publications/bao-ninh-de-lautre-cote/

Bao Ninh temoigne

Bao Ninh témoigne à plusieurs reprises dans la série documentaire « Viêtnam », en 9 épisodes, diffusée sur Arte en 2017.
Combattants des deux camps, pacifistes… En confrontant les paroles des ennemis d’hier, la série offre un éclairage inédit sur un conflit qui n’a jamais cessé de fracturer les États-Unis.
Cette immersion poignante au cœur de la guerre du Viêtnam retrace trente années de soulèvements et de destructions à travers des archives inédites et des témoignages intimes de civils, opposants et soldats des deux camps. Une série documentaire au plus près de ceux qui l’ont vécue, signée par les réalisateurs Ken Burns et Lynn Novick.

Transcription ci-dessous de trois témoignages de Bao Ninh.
Viêtnam – Épisode 7
« Les Américains pensaient que les Vietnamiens étaient tous des disciples de Marx. Ils se trompaient. On s’est battus pour notre pays, pour qu’il échappe aux bombes, à la guerre, pour qu’il n’y ait plus de morts, plus de ruines, de fumée. »
Voix off – Bao Ninh a dix-sept ans lorsqu’il est enrôlé dans l’armée nord-vietnamienne. Il est affecté dans les montagnes centrales du Sud-Vietnam. À l’époque ce qu’il redoute le plus c’est la puissance de feu américaine.

En 1969, les soldats de l’armée nord-vietnamienne avancent sur la piste Hô Chi Minh
En 1969, les soldats de l’armée nord-vietnamienne avancent sur la piste Hô Chi Minh

« Pendant les bombardements, il fallait être une pierre pour ne pas avoir peur. Les bombes tombaient en grappes. C’était une mer de feu. C’est une façon de parler. Nous, c’est ce que ça nous évoquait. La vie de soldat n’est pas gaie. En général, les soldats étaient malheureux, même les Américains. Mais eux, ne connaissaient pas la faim. Nous on devait trouver à manger. L’armée ne nous fournissait qu’un peu de riz et de sel. La nourriture des soldats américains, c’est ce qu’on recherchait en priorité. Ils appelaient ça la ration C. dedans il y avait de quoi faire un pique-nique, tout ce qu’il fallait. Cette guerre n’était pas comme celle de la littérature occidentale. J’ai lu des livres sur la Première Guerre mondiale. Les déserteurs étaient poursuivis devant les tribunaux militaires et exécutés. Au Viêtnam, on ne pouvait pas faire ça, il aurait fallu tuer tout le monde. Chez nous, les soldats désertaient quelques jours, pour rentrer chez eux, voir leur mère. Et puis quand ils revenaient, l’armée les récupérait. La plupart d’entre eux n’avaient pas peur de la mort. Ils savaient qu’elle pouvait arriver n’importe quand. Mais quand ils avaient le mal du pays, que leur mère leur manquait trop, ils pouvaient faire des milliers de kilomètres pour retourner au Nord. » (27ème min)

Viêtnam – Épisode 9
« Les amis officiers de la République du Viêtnam (RVN) maudissaient le Président Minh parce qu’il leur avait ordonné de déposer les armes et de laisser gagner les communistes. Aujourd’hui encore, ils continuent à le maudire bien qu’ils vivent en Amérique. Mais ils oublient que Minh aurait été tué s’il n’avait pas donné cet ordre. Et eux n’auraient pas pu aller aux États-Unis ni devenir citoyens américains. Ils seraient morts à Saïgon. » (27ème min)
« La guerre du Viêtnam a duré trente ans, de 1945 à 1975. Je crois que j’étais l’un des rares à être content. J’allais enfin rentrer chez moi. Je suis arrivé sur le pas de la porte. En six ans, ma famille n’avait pas reçu une seule lettre de moi. Ma mère ne savait pas si j’étais mort ou vivant. Donc vous imaginez son bonheur. Lors d’une guerre, ce sont les mères qui souffrent le plus et qui se réjouissent le plus. La mienne a pleuré mais on n’a pas manifesté notre joie. Les Vietnamiens sont comme ça. Ma mère a tout de suite pensé aux voisins qui venaient de recevoir l’acte de décès de leur fils. Là où j’habitais, six hommes étaient partis à la guerre, j’ai été le seul à revenir. C’est pour ça qu’on n’a pas osé fêter mon retour. Ni même rire parce que nos voisins avaient perdu leur fils. » (31ème min)
«  Le pire, ça été les dix années qui ont suivi la guerre. Le niveau de vie des Vietnamiens s’est effondré. Il a touché le fond. Pendant la guerre les gens pouvaient l’accepter mais pas après. L’erreur, ça a été de faire des choix économiques copiés sur ceux de Staline. C’est l’économie communiste qui était en cause. (37ème min)

Vietnam

Sommaire du DVD diffusé par ARTE
Épisode 1 : Indochine, la fin – Au terme d’une guerre longue et brutale, les révolutionnaires indépendantistes du Viêt-minh, menés par Hô Chi Minh, mettent fin à près d’un siècle de domination coloniale française.
Épisode 2 : Insurrection – Conseillé par le ministre de la Défense Robert McNamara, favorable au concept de “guerre limitée”, le président Kennedy envoie des bataillons des forces spéciales combattre, aux côtés de l’armée sud-vietnamienne, l’insurrection viêt-cong qui gagne du terrain.
Épisode 3 : Le Bourbier – Alors que le chaos menace à Saïgon, où huit gouvernements se succèdent en dix-huit mois, Hanoï et le Viêt-cong multiplient les offensives dans le Sud.
Épisode 4 : Le Doute – Le président Johnson envoie toujours plus d’appelés au Viêtnam tandis que des troupes nord-vietnamiennes renforcent le Viêt-cong au Sud.
Épisode 5 : Révoltes – À la veille des célébrations du Têt (la fête du Nouvel An vietnamien), les troupes nord-vietnamiennes et les forces viêt-cong lancent une série d’attaques-surprises coordonnées sur les grandes villes et les bases militaires à travers tout le Sud.
Épisode 6 : Fantômes – De Paris à Prague, de Berlin à Washington, l’esprit de révolte gronde.
Épisode 7 : Mer de Feu – Au printemps 1969, 543 482 soldats américains sont au Viêtnam et 40 794 ont perdu la vie.
Épisode 8 : Guerre civile – Avec le retrait progressif des troupes américaines, les forces sud-vietnamiennes, désormais seules, tentent en vain de couper la piste Hô Chi Minh au Laos.
Épisode 9 : L’Effondrement – Alors qu’éclate le scandale du Watergate, la plupart des forces américaines quittent le Viêtnam après la signature d’un accord entre Hanoï et Washington prévoyant le retrait des troupes en échange du retour des prisonniers américains.

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