Hô Chi Minh, Écrits et combats

Hô Chi Minh, Écrits et combats
Alain Ruscio

Le Temps des Cerises, 2019, 2023/20 €

Alain Ruscio était invité en octobre 2023 par La Société des lectrices et lecteurs de l’Humanité de l’Isère pour parler de Louis Aragon et de ses convictions politiques et sociales. Ce fut l’occasion de nous procurer le dernier ouvrage récemment réédité et consacré à la vie de Hô Chi Minh.
D’après sa biographie officielle, le futur Hô Chi Minh est né Nguyễn Sinh Cung, le 19 mai 1890, à Hoàng Trù (province de Nghệ An) près de Vinh, au centre du Viet Nam que les Français appelaient Annam. Alain Ruscio ne s’attarde pas sur sa jeunesse annamite mais le suit pas à pas, à partir du 5 juin 1911, jour de son embarquement à Saïgon pour la France. L’aide-cuisinier Van Ba (un de ses multiples pseudonymes à venir) arrive à Marseille le 6 juillet. Il a 21 ans. C’est le début d’un tour du monde et d’une vie de combats jusqu’au 2 septembre 1969, date de sa mort à Hanoï, à 79 ans.

L’ouvrage est découpé en courts chapitres qui font la part belle aux documents : qu’ils soient de la main de Hô Chi Minh, des amis et camarades, des ennemis ou des services de renseignement. La lecture en est passionnante. Je vous en propose une synthèse et des extraits.

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« Les pages du présent livre oscillant entre biographie et anthologie […] on lit, ou relit, l’étonnante vie de ce vagabond aux cent métiers qui ne portait pas encore ce nom sous lequel l’Histoire le connaît, le célèbre ou le maudit ; on se prend de sympathie pour l’éboueur ou le vendeur à la criée, le photographe sans le sou dans le Paris du début des Années folles, le journaliste impertinent fréquentant les anars et les marxistes, le militant increvable et le trouble-fête de la République coloniale et bourgeoise traqué par la police ; on le suit, saisi, de cénacles russes en tôles chinoises jusqu’à cette guerre sale, comme elles le sont toutes, qu’il eût tant voulu éviter. » Extrait de la préface de Joseph Andras, écrivain, né en 1984

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1911-1919
NGUYEN THAT THANH
PARCOURT LE MONDE,
DE SAIGON A PARIS,
EN PASSANT PAR MARSEILLE,
DAKAR,NEW YORK, LONDRES…

En 1890, à la naissance de Nguyen That Thanh[1], la conquête coloniale était à peine achevée, les voies de la résistance avaient mené le mouvement national à des impasses.

Certains tournent les yeux vers l’Est, le Japon vainqueur de l’armée tsariste et la Chine où la République a triomphé en 1912 avec Sun Yat-sen. C’est le cas de Phan Boi Chau – né en 1867 – qui s’exile au Japon de 1904 à 1908 pour y former une génération de disciples apte à lutter.

D’autres cherchent la modernité – le passage à la République – en se tournant vers l’Ouest, comme Phan Chau Trinh – né en 1872. Tous deux ont vingt ans de plus que Nguyen That Thanh qui admire leur engagement pour l’indépendance et choisit la voie de l’Ouest sous le nom de Van Ba.

Phan Chau Trinh (1872-1926) à gauche  - Phan Boi Chau (1867-1940) à droite
Phan Chau Trinh (1872-1926) à gauche – Phan Boi Chau (1867-1940) à droite

► Marseille, 15 septembre 1911 – Nguyen That Thanh demande l’admission à l’École Coloniale

On peut être surpris de la démarche, émanant d’un futur grand dirigeant révolutionnaire et anticolonialiste ! Il est très jeune, et sans le sou. Aussi fait-il le choix d’un établissement qui puisse approfondir sa connaissance des Lumières et de la Raison. La réponse est négative. Qui est-il pour oser demander son admission dans une école réservée à l’élite ? Entre 1885 et 1914, seuls 146 élèves indochinois furent acceptés à l’École coloniale.

► New York, 15 décembre 1912 – Paul Tat Thanh, lettre au Résident supérieur en Annam

Le jeune Ba reste une année en France. Au Havre, il est jardinier pendant six mois puis embarque comme commis de cuisine. Cette période est peu connue car il ne fait pas encore l’objet de rapports de police.

Il parcourt le monde. Escales en Algérie, en Tunisie, au Sénégal, au Dahomey qui lui permettent de comparer les conditions coloniales. Outre-Atlantique, il découvre le Mexique, le Brésil, l’Uruguay. Long séjour aux États-Unis.

C’est de là qu’il écrit une lettre au résident supérieur en Annam pour obtenir des nouvelles de sa famille. « Je vous prie, Monsieur le Résident supérieur, d’avoir pitié de moi, de me faire savoir l’état actuel de mon père et de me permettre d’envoyer à votre résidence tout ce que je voudrai lui envoyer. » Lettre signée Paul Thatthanh

Il participe à un meeting de soutien aux Noirs de Harlem en 1913. Il se rend à Boston où il travaille à la prestigieuse Parker House comme aide-boulanger et fréquente la bibliothèque de la ville.

►Londres, juillet 1914 – Nguyen Tat Thanh, lettre à Phan Chau Trinh

De retour en Europe, il s’installe à Londres où il subsiste comme balayeur de rues puis dans les cuisines du grand hôtel Carlton jusqu’en 1917.

Premiers engagements : il adhère à une société secrète vietnamienne, Lao Dong Hai Ngoa (les travailleurs d’outre-mer) qui deviendra le Cuu Quoc Hoi (Comité pour le salut de la patrie). Première mention du terme Quoc (= patrie) qu’il va intégrer à ses pseudonymes.

Il commence à se faire repérer au point que l’Ambassade de France à Londres demande aux autorités britanniques de le surveiller.

Van Ba écrit à Phan Chau Trinh à Paris. Ce dernier a incité à des révoltes antifiscales en Annam et a été condamné à mort. Mais sa peine fut commuée et il put s’échapper vers la France. Les deux hommes se connaissaient car le père de Hô Chi Minh, petit mandarin, participait avec Phan Chau Trinh à la résistance des lettrés contre la colonisation française.

« Cher Maître, La fusillade retentit dans les airs et les cadavres couvrent le sol. Cinq grandes puissances sont en lutte. Neuf pays font la guerre. […] Les Japonais paraissent avoir l’intention de tremper un doigt dans le plat. Je pense que dans trois ou quatre mois le destin de l’Asie va changer, va changer énormément. […] » Signé P.Tât
Hô Chi Minh a 24 ans et se préoccupe du destin de l’Asie et du monde.

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1919-1920.
NAISSANCE ET PREMIÈRES
MANIFESTATIONS
D’UN CERTAIN NGUYEN AI QUOC

Nguyen Tat Thanh arrive à Paris en juin 1919 où il rejoint des compatriotes et occupe plusieurs petits logements.

► Paris, mi-juin 1919 – Le texte fondateur : les revendications du peuple annamite

De janvier à juin se tient à Paris la Conférence internationale de Versailles qui redessine les contours de l’Europe d’après-guerre. Deux faits marquants en géopolitique : à l’Est, la création du premier État socialiste de l’histoire ; à l’Ouest, l’affirmation par Woodrow Wilson, président des États-Unis, de l’égalité entre les nations. Le nouveau modèle de relations internationales dit des Quatorze points est très apprécié des nationalistes des pays colonisés : « une association générale des nations[2] » offrant à l’avenir « des garanties mutuelles d’indépendance politique et d’intégrité territoriale aux petits comme aux grands États. »
 Après la dissolution du Groupe des Annamites patriotes s’était constitué le Groupe des Cinq Dragons : Phan Chau Trinh, Phan Van Truong, Nguyen The Truyen, Nguyen An Ninh et Nguyen Tat Thanh.

Le Groupe des Cinq Dragons profite du contexte favorable pour faire connaître la situation en Indochine dans un texte connu sous le nom de Revendications du peuple annamite.
Le texte est court et déférent, s’adressant « aux nobles gouvernements de l’Entente en général et à l’honorable Gouvernement français en particulier. » Il énonce la nécessité de passer « du domaine de l’idéal dans celui de la réalité par la reconnaissance effective du droit sacré des peuples à disposer d’eux-mêmes.
« Au nom du Peuple de l’Ancien Empire d’Annam, aujourd’hui Indochine française », le texte revendique :
Amnistie générale en faveur de tous les condamnés politiques indigènes.
Réforme de la justice indochinoise par l’octroi aux Indigènes des mêmes garanties judiciaires qu’aux Européens, et la suppression complète des tribunaux d’exception qui sont des instruments de terrorisation et d’oppression contre la partie la plus honnête du peuple Annamite.
Liberté de Presse et d’Opinion.
Liberté d’association et de réunion.
Liberté d’émigration et de voyage à l’étranger.
Liberté d’enseignement et création dans toutes les provinces d’écoles d’enseignement professionnel et technique à l’usage des indigènes.
Remplacement du régime des décrets par le régime des lois.
Délégation permanente d’indigènes élus auprès du Parlement français pour le tenir au courant des desiderata indigènes.
[…]
Il est signé « Pour le Groupe des patriotes annamites, Nguyen Ai Quâc[3] »
À peine arrivé en France, le jeune futur Hô Chi Minh signe au nom du groupe !

La déclaration est envoyée à tous les journaux mais seule L’Humanité en rend compte.
Le Groupe s’emploie à la faire connaître auprès :
– des délégués à la Conférence de Versailles,
– d’organismes de gauche comme la CGT, la SFIO, la LDH (tract tiré à 12 000 exemplaires),
– des Vietnamiens de France (des dizaines de milliers de soldats et de travailleurs restés en métropole après la guerre). La Sûreté veille et saisit les exemplaires !

► Un officiel français : « Nguyen : nom patronymique fort commun. Ai : aimer. Quoc : Patrie. Autrement dit Nguyen aime sa patrie »

Les autorités françaises s’émeuvent. Elles connaissent les anciens du groupe mais qui est ce Nguyen Ai Quac ou Quoc ?
Le ministère des Colonies diffuse la première note de synthèse le concernant en août 1919. Très approximative !

► Un long combat : Albert Sarraut contre Nguyen Ai Quoc

Albert Sarraut est un membre éminent du parti colonial : Gourveneur général de l’Indochine de novembre 1911 à décembre 1913 puis de novembre 1916 à mai 1919.
Un entretien a lieu entre les deux hommes, à Paris le 6 septembre 1919, au sujet des Revendications du peuple annamite. Deux autres rencontres auront lieu début 1921 et en juin 1922. Sans aucun résultat.
Une Lettre ouverte datée de l’été 1922 scelle la rupture entre les deux hommes. On y mesure l’habileté de Nguyen Ai Quoc à manier l’ironie et le sarcasme. Un texte idéal pour étudier l’antiphrase avec les étudiant·es !

Albert Sarraut 1914
Albert Sarraut 1914

« Excellence,

Nous savons parfaitement bien que votre affection pour les indigènes des colonies en général, et en particulier des Annamites, est grande. Sous votre proconsulat, le peuple d’Annam a connu la vraie prospérité et le réel bonheur, le bonheur de voir pulluler dans tout le pays des débits d’alcool et d’opium qui, concurremment avec les fusillades, la prison, la démocratie et tout l’appareil perfectionné de la civilisation moderne, rendent l’Annamite le plus avancé des Asiatiques et le plus heureux des mortels. […]
Devenu suprême chef de toutes les colonies, votre sollicitude particulière pour les Indochinois ne fait qu’augmenter avec votre grandeur. Vous avez créé à Paris même un service spécialement chargé – surtout pour l’Indochine précise un organe colonial – de surveiller les indigènes résidant en France. […] »
Publiée dans Le Paria le 1er août 1922 – le journal créé par Nguyen Ai Quoc – cette lettre sera suivie de nombreux autres articles contre Albert Sarraut.

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1919-1923
DU SOCIALISME AU COMMUNISME

Dès son arrivée en France, Nguyen Ai Quoc fréquente le Parti socialiste SFIO et la Ligue des Droits de l’Homme (LDH). Ce nouveau camarade étonne car « il n’y avait pas de colonisé dans la gauche française », à l’exception de l’Algérien Abdelkader Hadj Ali, qui devient rapidement l’ami de Nguyen Ai Quoc.

► Premières activités militantes au parti socialiste et à la Ligue des Droits de l’Homme

« Le futur Hô Chi Minh avait un visage d’une grande pureté ascétique, animé d’une telle foi révolutionnaire qu’il en devenait envoûtant. »
Extrait du témoignage de Michele Zecchini en 1978.
Nguyen Ai Quoc prononce un discours en français, lors du 1er mai 1920, sur « la cessation des expéditions coloniales dans le programme des socialistes. »

► « L’Annam […] espère obtenir son indépendance grâce aux principes de Lénine. » Nguyen Ai Quoc, mars 1920

Nguyen Ai Quoc a dû se familiariser avec les notions agitées lors des débats internes de la SFIO : capitalisme, prolétariat, exploitation, socialisme, révolution utopique, Fourier, Karl Marx, anarchisme…
Il peinait à comprendre les désaccords, alors que sa préoccupation était autre. « Pendant que vous passez votre temps à discuter, mes compatriotes, eux souffrent et meurent. »
L’Humanité des 14 au 17 juillet 1920 publie les décisions principales du IIe Congrès de l’Internationale communiste à Moscou. Le jeune Annamite ne pouvait se satisfaire du discours modéré de l’aile droite de la SFIO.
Il adhère au Comité de la IIIe Internationale le 3 novembre 1920. Il ne sortira plus jamais du communisme.

► Le « délégué de l’Indochine ». Intervention au XVIIe Congrès du parti socialiste SFIO, Tours, 26 décembre 1920

Nguyen Ai Quoc est le seul colonisé présent au Congrès de Tours où il fit la seule intervention sur la question coloniale. Il a 30 ans.

Nguyên Ai Quôc prenant la parole au Congrès de  Tours en 1920
Photo: Archives de Russie
Nguyên Ai Quôc prenant la parole au Congrès de Tours en 1920 – Photo: Archives de Russie

« Camarades, […] Vous savez que depuis un demi-siècle le capitalisme français est venu en Indo-Chine ; il nous a conquis par la pointe des baïonnettes et au nom du capitalisme. Depuis lors, non seulement nous sommes honteusement opprimés et exploités, mais encore affreusement martyrisés et empoisonnés. Entre parenthèses, je soulignerai ce mot “empoisonnés” par l’opium, l’alcool, etc. Il m’est impossible, en quelques minutes, de vous démontrer toutes les atrocités commises en Indo-Chine par les bandits du capital. Plus nombreuses que les écoles, les prisons sont toujours ouvertes et effroyablement peuplées. Tout indigène réputé avoir des idées socialistes est enfermé et parfois mis à mort sans jugement. C’est la justice dite indochinoise, car là-bas, il y a deux poids, deux mesures. […] »

Suit la mention des injustices et l’absence de droits qui correspondent aux revendications fomrulées en juin 1919. L’intervention se termine sous les bravos : « Le parti socialiste se doit de mener une action en faveur des indigènes opprimés. »

Nguyen Ai Quoc se lie avec Paul Vaillant-Couturier qui lui trouve un logement impasse Compoint et facilite le renouvellement de sa carte de lecteur à la Bibliothèque nationale.

► Une militance communiste de tous les instants

Le séjour en France de Nguyen Ai Quoc entre le Congrès de Tours et son départ pour Moscou fut de 30 mois. Il milita principalement au jeune Parti communiste français. À l’Union Intercoloniale (UI) et au Comité d’études coloniales (CEC) qui en dépendent.

Il est de toutes les réunions. Son discours se radicalise. En avril 1922, l’UI crée un journal, Le Paria, qui proteste contre les injustices à travers le monde.

► Genèse d’un ouvrage, Les Opprimés

Dès 1919, Nguyen Ai Quoc a le projet d’écrire un livre sur la situation en Indochine et les revendications de son peuple contre le colonialisme français. Pour cela, il amasse une forte documentation. Il se rend à la bibliothèque où il lit énormément : les philosophes de Lumières, les grands auteurs du 19e et 20e siècles (Hugo, Zola, Michelet, Anatole France, Romain Rolland…)

Il a un projet de titre pour son ouvrage : Les Opprimés. Démarches auprès du directeur de L’Humanité. Mais le projet s’enlise et ne sera jamais concrétisé.

► Paris, 18 février 1921 – Un indicateur de police : « Nguyen Ai Quoc est un type très malin, très intelligent. »

Hospitalisé pour un phlegmon à l’épaule droite, Nguyen Ai Quoc reçoit la visite d’un indicateur dont Alain Ruscio reproduit le rapport et qui se termine par les mots ci-dessus !

► Mai 1921 – « Le régime communiste est-il applicable en Asie ? »

Nguyen Ai Quoc participe au débat au sein de l’Internationale communiste. Il estime que le mouvement communiste international n’accorde pas assez d’importance à la question coloniale, qu’il se cantonne à la révolution prolétarienne en Europe. Contre l’opinion générale, celle de Staline même, Nguyen Ai Quoc estime que la révolution peut naître en Asie.

« Le jour où des centaines de millions d’Asiatiques martyrisés et opprimés se réveilleront pour se débarrasser de l’abjecte exploitation de quelques insatiables coloniaux, ils formeront une force colossale et pourront, en supprimant une des conditions d’existence du capitalisme, l’impérialisme, aider leurs frères d’Occident dans la tâche d’émancipation totale. »

Nguyen Ai Quoc au 1er congrès du PCF
à Marseille en décembre 1921
Nguyen Ai Quoc au 1er congrès du PCF
à Marseille en décembre 1921

► 29 mai 1921 – Manifestation d’hommage à la Commune

Nguyen Ai Quoc échappe à la police lors d’affrontements avec une procession catholique.

► La police traque « l’agitateur annamite Nguyen Ai Quoc ».

Tous les colonisés engagés dans des combats politiques anticolonialistes sont espionnés par la police. Leur nombre augmentant, des agents sont recrutés. Les documents permettent de connaître l’emploi du temps de Nguyen Ai Quoc.

Ainsi, le 24 décembre 1919 :

« Le 24, Nguyen-Ai-Quac est sorti à 10 heures. Il a acheté L’Humanité et Le Libertaire puis est allé avenue des Gobelins à l’imprimerie Charpentier. Il est ensuite rentré chez lui. À 13 heures 10, il s’est rendu à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, place du Panthéon, d’où il est parti à 15 h 25 pour aller déposer une lettre au bureau de poste de l’avenue des Gobelins. De là, il a pris le métro et est descendu à la station Gare de l’Est, où il a été perdu de vue à 17 h 10. Vers 20 h, Nguyen-Ai-Quac est rentré, 6 villa des Gobelins. Reparti pour faire quelques achats. Il n’a pas été vu ressortir de la soirée. Il a reçu une lettre provenant du boulevard Saint-Denis. »

Informateurs et mouchards rémunérés participent à la traque parmi lesquels une majorité de Vietnamiens infiltrés auprès des suspects. Aussi Nguyen Ai Quoc est-il particulièrement prudent.

► Paris 1922 – Xiao San, Nguyen Ai Quoc et les communistes chinois.

Nguyen Ai Quoc eut une influence auprès des ouvriers chinois venus en renfort lors du premier conflit mondial. Un premier contingent de 1700 Chinois débarquent à Marseille en août 1916. Ils seront 150 000 à la fin de la guerre.

Xiao San, un de leurs, a adhéré au PCF en 1922 et a noué des liens avec « ce Vietnamien qui avait des allures de Cantonnais » […], « parlait bien le cantonnais et écrivait très bien les caractères chinois ».

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1919-1923
L’HUMANITÉ, LE POPULAIRE
LE LIBERTAIRE, LE PARIA… : UN JOURNALISTE PROLIFIQUE

Venant d’un pays où elle n’existe pas, la liberté d’expression qui existe en France éblouit le jeune Nguyen Ai Quoc. Il acquiert rapidement la maîtrise de la langue française pour mener son combat. Il se tourne tout naturellement vers la presse de gauche. Il se lie d’amitié avec le directeur du Populaire, Jean Longuet, membre de l’aile gauche de la SFIO et Marcel Cachin directeur de L’Humanité de tendance communiste.

Nguyen Ai Quoc écrit dans ces deux journaux, en alternance, jusqu’au Congrès de Tours. Ensuite, il écrit dans de nombreux journaux pour faire connaître le sort et les espoirs de son pays. Au-delà, il s’intéresse aux parias du monde entier.

Dans les années 20, Nguyen Ai Quac signe des articles sur la Chine, la Tunisie, le Dahomey, l’Afrique noire sous domination britannique, le Maroc, la Turquie, le racisme aux États-Unis…

L’Humanité, 2 août 1919 – « En Indochine, la question indigène » 
Deux colonnes pleines en page intérieure, son premier article publié

Le Populaire, 4 sept. 1919 – « L’Indochine et la Corée, une intéressante comparaison »
Journal fondé en mai 1916 autour de la personnalité de Jean Longuet, petit-fils de Karl Marx, devenu quotidien en avril 1918.

Le Populaire, 4 sept. 1919 – « Les sacrifices annamites pendant la guerre »
Suite de l’article précédent. De 1914 à 1918, les autorités mobilisent 48 922 combattants et 49 000 travailleurs indochinois.
Extrait – « De ces travailleurs et soldats annamites, plusieurs dizaines de mille ne reverront plus jamais leur pays natal, les uns victimes des accidents de voyage, des surmenages et des manipulations nocives dans les usines de guerre, ou des mauvais traitements dans les casernes, les autres tués dans le grand carnage européen en France et sur les plaines pestilentielles des pays balkaniques. »

Le Libertaire, 7 oct. 1921 – « Aimez la France qui vous protège »
Le jeune Quoc garda longtemps des amitiés dans le milieu libertaire.

L’article débute ainsi – « Aimez la France qui vous protège ». Telle est la leçon de calligraphie que l’on nous faisait faire, en ronde, en bâtarde et en gothique, depuis l’ABC jusqu’au primaire dans les rares écoles en Indochine. Ces écoles sont si rares qu’il y en a une contre plus de cent débits d’alcool et d’opium ! Nos civilisateurs encaissent annuellement plus de 21 000 000 de piastres, c’est-à-dire plus de 139 000 000 de francs en vendant ces poisons. Savez-vous combien ils dépensent pour l’instruction publique en un an ? 172 000 piastres ! »

L’Humanité, 25 mai 1922 – « Quelques réflexions sur la question coloniale »
Nguyen Ai Quoc se fixa comme objectif d’aider les militants et les directions à considérer la question coloniale comme stratégique. Son idée force : le nouveau parti « ne peut, comme les 1re et IIe Internationales, se contenter de manifestations sentimentales et sans suite. »
À la suite de l’article du 25 mai 1922, L’Humanité ouvre une rubrique régulière d’informations sur les colonies dont Quoc est le principal contributeur.
Mais le jeune homme est déçu devant le peu d’intérêt du parti communiste pour la question coloniale.

Le Paria, 1er décembre 1922 – « À propos de Siki »

La Paria

Destiné à la dénonciation des crimes coloniaux, Le Paria connut 36 livraisons de 1000 à 2000 exemplaires, majoritairement envoyés dans les colonies, entre avril 1922 et 1925. Quoc en fut le rédacteur principal avant son départ pour Moscou.
L’article met en lumière la défaite de Georges Carpentier, boxeur blanc très célèbre face à un nègre, le Sénégalais Louis Mbarick Phall surnommé Battling Siki. L’équipe du Paria applaudit cette victoire improbable. L’article est croustillant.

« Depuis que le colonialisme existe, des blancs ont été payés pour casser la g… aux noirs. Pour une fois, un noir a été payé pour en faire autant à un blanc. Adversaire de toute violence, nous désapprouvons l’un et l’autre procédé. Mais le fait est là, nous n’avons qu’à le constater ?

Constatons.
D’un coup de poing, sinon scientifiquement envoyé, du moins formidablement placé, Siki déplaça proprement Carpentier de son piédestal pour grimper dessus lui-même.
Le championnat de boxe n’a pas changé de mains, mais la gloire sportivement nationale n’a pas souffert, puisque Siki, enfant du Sénégal, est, par conséquent, fils de la France, et donc français. […] »

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1919-1923
UN JEUNE ANNAMITE
« PIÉTON DE PARIS »

Quoc aima son séjour en France et en garda un séjour ému. C’est à Marseille que pour la première fois, on l’appela monsieur ! Il aima aussi les artistes de music-hall de l’époque et en demanda ultérieurement des nouvelles.

► Au club du Faubourg
C’était un club de discussions que Quoc fréquenta, où il aima monter sur l’estrade pour prendre la parole. On y aborde des sujets variés : l’hypnotisme, le christianisme…
En 1923, Quoc disparaît. Épuisé par sa vie de travail et de misère, il tombe malade. On annonce même sa mort.

► Un combat inattendu contre l’invasion de l’anglais dans la presse
Dans un article de mars 1922, Quoc fustige la tendance des journalistes à utiliser trop de mots anglais !

► L’aventure du Dragon de bambou, 1922
En mai-juin 1922, Khai Dinh, empereur d’Annam mis sur le trône par les Français arrive en France, invité à l’Exposition coloniale de Marseille. Il exprime « le témoignage de [son] attachement et de [son] admiration » à la France et « les sentiments de profonde gratitude de [son] peuple loyal et fidèle. » Phan Chau Trinh et Quoc s’en offusquent. En prévision de cette visite, Quoc écrivit une pièce de théâtre satirique Le Dragon de bambou, dont le texte a été perdu.

► Nguyen Ai Quoc musicien ? L’Humanité, 27 juin 1922
Son nom est cité au programme d’un concert donné « au bénéfice de la Russie affamée. »

► Nguyen Ai Quoc artiste ? La Lanterne, 16 novembre 1922
Son nom est cité au programme d’une exposition.

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1919-1923
UNE RÉPUTATION NAISSANTE

► En France
En attestent les services de police qui le traquent, les rapports le concernant dès 1919, les invectives du Parti colonial en la personne d’un certain Outrey, député de Cochinchine. Ce dernier interpelle Jean Longuet, directeur du Populaire d’avoir donné la parole dan son journal à un « misérable », « ennemi de la France ». Il l’accuse même d’avoir été « poursuivi en Indo-Chine pour des menées antifrançaises. »
Quoc répond aux accusations dans un long texte polémique où il traite le député de « menteur ».

Ernest Outrey, député de Cochinchine (1914-1936)
Ernest Outrey, député de Cochinchine (1914-1936)

► En Indochine
Les Revendications et autres écrits de Quoc, son intervention au Congrès de Tours sont connus en Indochine. L’Écho annamite, L’Avenir du Tonkin, Le Courrier de Haïphong s’en émeuvent et cherchent à ridiculiser l’auteur. Rien n’y fait, ses publications circulent et ses idées diffusent.

Premier numéro du 8 janvier 1920
Premier numéro du 8 janvier 1920

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1923-1924
AU PAYS DE LENINE

Fin 1922, Quoc est convaincu qu’il doit quitter la France : risque d’être arrêté et expulsé et déception de ne pouvoir entraîner les militants à l’action contre le colonialisme. Il perçoit les limites de l’internationalisme.

► Juin-juillet 1923 – Voyage de Paris à Moscou
Le 13 juin 1923, Quoc réussit à fausser compagnie à la police française ! Le voilà arrivé au pays de son idéal, encore très pauvre, en proie à la famine dans de nombreuses régions. Encore peu connu mais membre de l’Internationale, il est le seul Annamite présent à Moscou.

► Juillet 1923 – Moscou, Lettre au comité central du PCF
C’est un des premiers textes de Quoc, rédigés à Moscou. Sa longue critique constructive du PCF – dont il est membre – traduit sa persévérance.
Un an plus tard, après le Ve congrès de l’Internationale, est créée une Commission de propagande internationale à destination des territoires colonisés où sous mandat dont Quoc est un des représentants aux côtés d’un Algérien et d’un Indien. Quoc y est chargé du Sud-Est asiatique. Que de chemin parcouru en un an !

► Moscou, 23 décembre 1923 – Entretien avec Ossip Mandelstam
En disgrâce avec les autorités soviétiques, empêché de publier, le poète Ossip Mandelstam est contraint d’exercer divers métiers pour survivre. Fin 1923, il rencontre Nguyen Ai Quoc dont il trace un portrait très intéressant.

Ossip Mandelstam en 1934
Ossip Mandelstam en 1934

« Quel retentissement a eu le mouvement de Gandhi en Indochine ? A-t-il provoqué quelques vagues, quelques échos, ai-je demandé à Nguyen Ai Quac ?
“Non, répondit mon interlocuteur. Le peuple annamite, des paysans, vit plongé dans les ténèbres les plus profondes. Il n’y a pas de journaux, on n’a pas la moindre idée de ce qui se passe dans le monde. Les ténèbres, rien que les ténèbres.”
Nguyen Ai Quac est le seul annamite, représentant d’une ancienne race malaise, présent à Moscou. Il a presque l’air d’un jeune garçon, maigre et souple, dans sa douillette de laine. Il parle le français, la langue de ses oppresseurs. Mais les mots français résonnent sourdement, sans relief, comme la cloche étouffée de sa langue natale. Quac ne prononce qu’avec répugnance le mot “civilisation”. Il a parcouru presque tout l’univers colonial, il est allé en Afrique du Nord, en Afrique centrale, il a intensément observé… Dans son discours revient souvent le mot “frères”. Ses “frères”, ce sont les Noirs, les Hindous, les Syriens, les Chinois. Il a écrit une lettre à René Maran, un Noir francisé, auteur du très exotique “Batouala”, et lui a demandé carrément : “Êtes-vous d’accord pour participer à la libération de vos frères des colonies ? René Maran, couronné par l’Académie française, lui a répondu évasivement et avec réserve.
” Je suis originaire d’une famille annamite privilégiée. Chez nous, ces familles ne travaillent pas. Les jeunes gens étudient le confucianisme. Comme vous le savez, le confucianisme n’est pas une religion, mais plutôt une pratique basée sur l’expérience morale et sur les convenances. À sa base est la notion de paix sociale. Alors que je n’étais qu’un jeune garçon, à treize ans, j’ai, pour la première fois, entendu les mots français : “Liberté, Égalité et Fraternité”. J’ai eu envie de connaître la civilisation française, de sonder ce qui se cachait derrière ces mots. Mais, dans les écoles indigènes, les Français forment des perroquets. On nous cache les livres et les journaux, on nous interdit non seulement les écrivains contemporains, mais aussi Rousseau, Montesquieu… Que pouvais-je faire ? Je décidai de partir. L’Annamite est un serf. Il nous est non seulement interdit de voyager, mais même d’effectuer le moindre déplacement à l’intérieur du pays. Les chemins de fer sont construits à des fins “stratégiques” : de l’avis des Français, nous ne sommes pas assez mûrs pour les utiliser. Pourtant, j’ai atteint le littoral, puis je suis parti. J’avais dix-neuf ans. Lorsque je suis arrivé en France, il y avait des élections. Les politiciens bourgeois se couvraient mutuellement de boue ».
Une convulsion dénotant presque une répulsion physique parcourt le visage de Nguyen Ai Quac. Terne et mat, son regard se met à briller. Dans ses larges pupilles, il y a un sombre reflet. Il louche et fixe, tel un aveugle qui a recouvré la vue.
« Quand les Français sont arrivés, toutes les familles convenables se sont enfuies. Les crapules, recherchant leurs bonnes grâces, s’emparèrent des maisons et des propriétés abandonnées. À présent, ils ont fait fortune. Ils forment la nouvelle bourgeoisie qui élève ses enfants à la française. Les jeunes qui font leurs études chez les missionnaires catholiques appartiennent à la lie de la société. On leur donne de l’argent pour cela. Qu’ils soient de parfaits abrutis, qu’importe, puisqu’ils pourront servir, plus tard, dans la police ou la gendarmerie. Un cinquième de toutes nos terres appartient aux missionnaires catholiques. Seuls les concessionnaires peuvent les concurrencer. Qu’est-ce qu’un colonisateur français ? Oh, combien parmi eux sont dépourvus de talent et bornés ! Leur premier souci est d’installer leur famille. Ensuite, il s’agit d’accaparer, de piller le plus possible et le plus rapidement possible, afin de construire “leur petite maison” en France. Les Français empoisonnent mon peuple. Ils ont introduit la consommation obligatoire d’alcool. Traditionnellement chez nous, nous prenons un peu de bon riz et en faisons un alcool de qualité, que nous utilisons lorsque viennent les amis ou que nous faisons des offrandes pour le culte des ancêtres. Les Français ont pris du riz mauvais, bon marché et ont distillé de l’alcool par tonneaux entiers. Plus personne n’a voulu en acheter. Cela faisait beaucoup trop. Alors, les gouverneurs ont fixé des taux de consommation obligatoires et ont ainsi forcé les gens à acheter de l’alcool dont personne ne voulait ».
Il m’est apparu avec évidence comment on abreuvait ce peuple charmant, appréciant le tact et la mesure, haïssant l’excès. Tous les traits de Nguyen Ai Quac exhalent un tact et une délicatesse innés. La civilisation européenne opère avec les baïonnettes et l’alcool, les cachant sous la soutane du missionnaire catholique. Nguyen Ai Quac est un homme de culture. Non la culture européenne, certes. Mais il se pourrait bien que ce soit la culture de l’avenir.
« Actuellement, à Paris, il y a un groupe de camarades venant des colonies françaises – cinq à six personnes venant de la Cochinchine, du Soudan, de Madagascar, de Haïti – qui édite “le Paria”, opuscule consacré à la lutte contre le colonialisme français. Il s’agit d’une toute petite revue ! Chaque collaborateur paye de sa poche au lieu de percevoir de l’argent. Un Appel du “Paria” fut même gravé sur une canne de bambou, afin de passer par tous les villages sans être remarqué. Malgré cette précaution, cela coûta cher aux Annamites. Il y eut des exécutions, des centaines de têtes volèrent. Le peuple annamite n’a ni prêtre ni religion, au sens européen du terme. Le culte des ancêtres est un phénomène purement social. Il n’y a pas d’officiants. Les rites funéraires sont accomplis par le membre le plus âgé de la famille ou le notable du village. Bien sûr, il est intéressant de savoir comment les autorités françaises ont enseigné à nos paysans les mots “bolchévik” et “Lénine”. Elles se sont mises à persécuter les Annamites car il n’y avait jamais eu, auparavant, de bolcheviks parmi eux. Mais elles ne réussirent, de cette manière, qu’à faire… de la propagande ».
Les Annamites sont un peuple simple et poli. Dans la noblesse des manières, dans la voix sourde, sans timbre, des Nguyen Ai Quac, résonne l’avenir, la tranquillité océane de la fraternité universelle. Sur sa table, un manuscrit. Un compte rendu posé, concret. Le style télégraphique du correspondant. Il donne libre cours à son imagination : le Congrès de l’Internationale en 1947. Il voit et entend l’ordre du jour, il y assiste, il rédige le procès-verbal.
« Nous avons eu, nous aussi, une rébellion. Le jeune empereur annamite Duy Tan l’a déclenchée. Contre l’envoi de nos paysans à la boucherie français, Duy Tan s’est enfui. Il vit en ce moment à l’étranger. Parlez également de lui. »

Dix ans plus tard, Mandelstam est arrêté pour avoir écrit un poème contre Staline. Il est mort dans les camps en Sibérie en 1938.

En 2022, peu avant sa mort, Linda Lê consacre un ouvrage à la rencontre entre Mandelstam et Hô Chi Minh – De personne je ne fus le contemporain – qu’elle conclut ainsi : « Le dernier mot leur appartient, l’un libérait les peuples du servage, l’autre la poésie de la servilité. Tous deux sont les phares d’un siècle à l’échine brisée. » (À consulter sur le site de Préfasse)

22 décembre 1924 – Ernest Outrey, André Berthon et Marius Moutet, polémique à la chambre des députés
Ernest Outrey joue les délateurs en citant les noms des Annamites subversifs ! Phan Chau Trinh, Phan Van Truong et Nguyen Ai Quoc. S’estimant bien informé, le député du Parti colonial annonce le retour de Quoc en France… alors qu’il vient d’arriver en Chine !

***

1924-1927
MISSION EN CHINE

L’objectif de Nguyen Ai Quoc était de rentrer en Indochine pour y semer les germes de la révolution anticolonialiste et communiste. La Direction de l’Internationale lui donne l’autorisation de s’en rapprocher et l’affecte à Canton où il arrive le 11 novembre 1924. Il y prend un nouveau pseudonyme Ly Thuy.
La fièvre patriotique monte au Viet Nam : des patriotes sont arrêtés. La communauté vietnamienne de Canton, très politisée est en effervescence. Les plus actifs avaient fondé le Tam Tam Xa (Société des cœurs unis). Ils joueront un rôle décisif dans l’implantation du communisme au Viet Nam.

► 27 février 1925 – Arrivée à Canton de Nguyen Ai Quoc/Ly Thuy – Gouverneur Martial Merlin
Quatre mois après son arrivée à Canton, Quoc/Ly Thuy n’a pas encore été repéré par les autorités françaises qui le croient toujours à Moscou. Il est vite devenu le responsable du groupe Thanh Nien qui est infiltré par un indicateur, Lam Duc Thu. Quoc n’est identifié par la Sûreté française qu’en juillet 1925, huit mois après son arrivée !

► Canton, 1924-1927 – Rôle de Nguyen Ai Quoc/Ly Thuy au sein du Thanh Nien
Après la tentative ratée d’assassinat du gouverneur Martial Merlin, Ly Thuy impose une autre méthode de lutte fondée sur une éducation politique plus systématique et une discipline de fer.
Pendnat son séjour à Canton (deux ans et demi) Ly Thuy unifie les forces en une Ligue de la jeunesse communiste. Ly Thuy fonde le journal du même nom et assure la formation de nombreux futurs cadres : Pham Van Dong qui deviendra un de ses plus fidèles compagnons.
Ly Thuy se distingue par ses méthodes pédagogiques modernes (dialogue avec les étudiants) et un grand sens de l’organisation.

► Canton 1925-1926 – Quelques leçons de communication politique
Quoc a retenu la leçon de Lénine : « seule la presse périodique » permet de déboucher sur « l’agitation généralisée. »
Dès son séjour à Paris, il écrit de nombreux articles, il crée Le Paria. Il continua dans le maquis et après.
Thanh Nien est un périodique en langue vietnamienne imprimé à Canton qui fut diffusé en Chine du Sud et au Viet Nam. 208 livraisons entre juin 1925 et juin 1930. Il n’écrit pas pour faire jloi mais pour être compris. La « crécelle » plutôt que la « guitare ». « Un style court, concis, l’emporte sur un style emphatique. »

« Nguyên Ai Quôc enseignant dans une classe de formation des cadres révolutionnaires vietnamiens à Canton, en Chine ». Peinture
« Nguyên Ai Quôc enseignant dans une classe de formation des cadres révolutionnaires vietnamiens à Canton, en Chine ». Peinture

►Canton, 23 août 1925 – « Aimons-nous les uns les autres et restons unis » Thanh Tien
Ly Thuy reprend une ancienne coutume vietnamienne : la versification de revendications politiques.

►Canton, printemps 1926 – « Les femmes et la révolution » Thanh Tien
Déjà Phan Boi Chau affirmait : Phan Boi Chau « Les femmes ont un rôle immense dans les affaires politiques. Il faut leur donner une bonne éducation pour qu’elles délaissent l’intérêt privé au profit de l’intérêt commun, pour qu’elles contribuent à la richesse, à la puissance et au progrès du pays. Un pays qui manque de femmes patriotes sera immanquablement réduit à l’esclavage. »
Ly Thuy crée une rubrique régulière sur la condition des femmes dans Thanh Tien.
« […] En Annam et dans tous les pays colonisés, les femmes sont plus malheureuses que partout ailleurs. Les hommes sont seulement opprimés par l’impérialisme, tandis que les femmes gémissent sous la double tyrannie impérialiste et familiale. »
« Le grand sage Confucius a dit : “L’époux doit diriger l’épouse”. Le sage Mencius a fait la remarque suivante : “Les femmes et les enfants sont difficiles à éduquer : si vous les approchez, ils vous boudent ; si vous les délaissez, ils vous haïssent”.
Les Chinois comparent fréquemment la femme à la poule : “Si la poule annonce le lever du soleil, c’est un mauvais présage pour la famille.”
En Annam, nous disons : “La femme doit croupir dans la cuisine”. Dans la société et dans la famille, la femme est rabaissée au dernier rang et ne jouit d’aucun droit.
Ô mes sœurs, pourquoi subissez-vous cette inique oppression ? »
Le mouvement communiste vietnamien porta à sa tête de nombreuses femmes. Citons Nguyen Thi Minh Khai, fusillée par les colonialistes le 28 août 1941.

Journal Thanh Nien du 20.10.1926
Journal Thanh Nien du 20 10 1926

► Canton, juillet 1926 – Ligue générale des peuples opprimés, manifeste Thanh Nien
Le n° 5 du Thanh Nien publie un Manifeste qui dépasse les frontières de l’Indochine.
Sujet qui lui tenait à cœur, l’union des opprimés, qu’ils soient gens de couleur colonisés ou ouvriers blancs opprimés.
Le Manifeste se termine ainsi : « À bas l’impérialisme ! Vive l’union des peuples asiatiques ! Vive l’union des peuples opprimés et des ouvriers de la terre ! Vive la révolution ! »
Nguyen Ai Quoc continue son activité pendat deux ans et demi jusqu’à la rupture entre les nationalistes et les communistes chinois. En avril 1927, des éléments de l’Armée chinoise menés par Tchang Kaï-chek tuent des milliers de Chinois : ce sont les massacres de Shanghai. Les communistes vietnamiens sont en danger. Nguyen Ai Quoc doit fuir. D’abord à Hankéou en mai 1927, puis à Shanghai et Moscou. Séjour en Crimée pour y soigner sa tuberculose.

***

1927 – UN ÉPISODE MÉCONNU ET MYSTÉRIEUX :
LE PASSAGE EN FRANCE

Nguyen Ai Quoc est à Paris début décembre 1927, sans doute envoyé par la Komintern. Il est vite repéré par la Sûreté et doit quitter rapidement la France.

► 12 décembre 1927 – Albert Sarraut : « Nguyen Ai Quoc est arrivé ces jours-ci à Paris »
Albert Sarraut est ministre de l’Intérieur. Conscient du danger représenté par l’agitateur qui s’est déjà dressé sur son passage, il envoie la police à ses trousses. En vain. Nguyen Ai Quoc est prudent et quitte la France au bout de deux semaines.

Albert Sarraut, années 1930
Albert Sarraut, années 1930

► Interrogations et hypothèses sur les causes réelles de ce voyage
Un rapport de police avance que Nguayn Ai Quoc aurait demandé un emploi à L’Humanité. Peu probable pour un militant de son calibre, envoyé par le Komintern.
Sa mission : dire au PCF de fusionner les éléments révolutionnaires indochinois en France pour en faire un noyau communiste discipliné et l’implanter en Asie du Sud-Est.
Mais le PCF est en plein affrontement avec son aile sociale-démocrate et n’a pas les forces pour répondre à la mission.

***

1928-1931
PARTI COMMUNISTE VIETNAMIEN ?
PARTI COMMUNISTE INDOCHINOIS ?

De Paris, Nguyen Ai Quoc se rend à Bruxelles pour participer au Grand Conseil Général de la Ligue anti-impérialiste qui se tient du 9 au 12 décembre 1927. Il y reçoit une nouvelle mission : implanter puis animer un parti communiste au Siam (Thaïlande).

Fin mai 1928, il quitte l’Europe et atteint le Siam en juillet. Il y restera jusqu’en novembre 1929 avec des passages à Singapour.

Ces années vont être déterminantes pour l’avenir du communisme dans la région. Mais la voie choisie par Nguyen Ai Quoc ne respecte pas celle de l’Internationale. Ce qui annonce bien des ennuis.

►1928-1829 – Un intermède siamois

Nguyen Ai Quoc avait pour mission de créer un noyau communiste avec les Vietnamiens du Siam, gros d’environ 20 000 personnes.

Arrivé en juillet 1928, parti en novembre 1929, il doit se camoufler sous différentes fonctions : médecin chinois, commerçant ambulant, pêcheur, moine bouddhiste, oncle Chin… Il joue sur le nationalisme de ses compatriotes.

► 1929-1939 – Les organisations communistes vietnamiennes : une nébuleuse.

À la fin des années 1920, les idées communistes se sont diffusées et ont donné lieu à la création de nombreux groupuscules. Pour survivre, il faut s’unir. Mais sur quelle ligne ?

Curieusement, Nguyen Ai Quoc est absent du VIe Congrès du Komitern. Choix personnel ou signe de disgrâce ? Ce Congrès est celui de la ligne : classe contre classe. L’orientation du Thanh Tien vietnamien est critiquée car elle sous-estime le rôle de la classe ouvrière et de la paysannerie pauvre. En décembre 1929, le Komintern envoie des émissaires pour redresser la ligne choisie par Nguyen Ai Quoc, porteur des Instructions de décembre.

Mais les émissaires qui auraient pu mettre Nguyen Ai Quoc en minorité au Congrès fondateur du PCV (le 3 février 1930) sont arrivés en retard ! Et Quoc a réussi à imposer l’unité des classes contre l’ennemi colonialiste en osant braver la ligne du Komintern tout en se présentant chargé des pleins pouvoirs par le Komintern ! Un passage en force.

► 18 février 1930, Hong Kong – Appel de Nguyen Ai Quoc à l’occasion de la création du parti communiste vietnamien

Le congrès fondateur eut lieu du 3 au 7 février à Hong Kong dans la clandestinité : dans une maison et sur un stade de la ville.

Nguyen Ai Quoc lance un appel à tous les Vietnamiens. Il y rappelle le rôle de l’impérialisme dans le carnage de la 1re guerre mondiale et la nécessité de s’unir contre le capitalisme français qui se réarme pour « étouffer la révolution vietnamienne » et « conquérir de nouvelles colonies ». Il voit se profiler une 2e guerre mondiale : « Si nous leur laissons les mains libres pour préparer la guerre, si nous les laissons combattre la révolution chinoise, juguler la révolte vietnamienne, ne serait-ce pas les laisser balayer notre race de la surface de la Terre et noyer notre nation dans l’océan Pacifique ? » Il termine par l’énoncé des revendications conformes à l’idéal communiste selon un programme interclassiste.
Mais ce PCV ne va pas durer longtemps.

Célébration des 90 ans du PCV
Célébration des 90 ans du PCV

Octobre 1930, Hong Kong – Naissance du parti communiste indochinois
Tran Phu (25 ans) et Ngo Duc (30 ans) Tri, porteurs des instructions de l’Internationale n’avaient pu se rendre à Hong Kong en février. Ils admiraient Quoc, leur aîné mais appliquaient la ligne internationaliste de Moscou, en octobre, fut donc créé le Parti Communiste indochinois où dominait l’esprit « classe contre classe ». Quoc dut se soumettre…

► Les observateurs français et la naissance du communisme en Indochine
Pour les observateurs, Quoc le Patriote reste la figure dominante. Louis Roubaud journaliste envoyé par Le Petit Journal donne une image relativement objective de la situation au Viet Nam. Il confirme que Quoc est l’adversaire le plus redouté des autorités coloniales. Ce n’est pourtant pas un homme de gauche. (Intéressante synthèse du parcours de Quoc depuis ses études à Hué p.244.245)

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1931-1933
ARRESTATION ET EMPRISONNEMENT À HONG KONG

Quoc retourne au Siam (mars 1930 ?), à Singapour puis Hong-Kong. Au printemps 1931, un envoyé de l’Internationale en Asie, le Français Joseph Ducroux dit Serge Lefranc fait une tournée d’inspection clandestine. Il est arrêté le 1er juin 1931 par la police britannique à Hong-Kong et les documents en sa possession conduisent à l’arrestation de Nguyenn Ai Quoc.

► La nouvelle de l’arrestation dans la presse française
À droite comme à gauche, la nouvelle est annoncée mais les articles de l’Humanité ne conduisent pas à une campagne de mobilisation. Pas de soutien de l’Internationale non plus. Quoc n’est plus bien vu à Moscou

► L’inlassable activité de Maître Loseby
Par chance, un avocat britannique empêche l’extradition de Quoc vers l’Indochine où il aurait été exécuté. Il intervient auprès du gouvernement britannique avec succès.

► Mort et… résurrection de Nguyen Ai Quoc
Un an après son arrestation, on apprend la mort de Quoc en prison, de tuberculose et de dysenterie. Il est en fait relaxé par les Britanniques et caché par Maître Loseby.
En août 1933, il rencontre son ami Paul Vaillant-Couturier, en tournée en Asie et réussit à gagner Vladivostok grâce à lui.

L’Humanité 1932
L’Humanité 1932

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1934-1940
LES ANNEES DIFFICILES

Retour à Moscou en juillet 1934, à l’école internationale Lénine. À 45 ans ! Dix années pendant lesquelles Quoc n’est plus rien au sein du Komintern.

► Un dossier à charge
Causes : soupçons sur sa libération obtenue grâce à des réformistes et accusation de nationalisme. Cf affaire du PCV. Disgrâce : Quoc n’est pas délégué du PCI (indochinois) à Macao en mars 1935. Il est lavé de tout soupçon en février 1936, grâce notamment au soutien de Dmitri Manouilski et de Vera Vassilieva.

► Une « absence de rigidité idéologique » selon Sophie Quinn-Judge
Nombreuses références à Lénine dans ses écrits mais deux seulement à Staline. Ne participe pas aux joutes oratoires moscovites. Quoc est plus tourné vers l’action, fuit les débats de doctrine.

► De « classe contre classe » aux fronts populaires
Le VIIe congrès de l’Internationale en 1935 est l’antithèse du précédent. Devant l’arrivée de Hitler au pouvoir et la montée des ligues fascistes, les communistes sont pourchassés. À l’orientation « classe contre classe » est préférée la ligne de « Front populaire ». est lancée une ligne d’alliance antifasciste et antinazie.
En février 1932, le Japon crée un État vassal en Chine, le Mandchoukouo. L’Internationale estime que tout doit être fait pour éviter une guerre contre la Russie.
En juillet 1933, l’Internationale estime qu’il faut traiter la question coloniale. La ligne préconisée par Nguyen Ai Quoc est validée. Il n’est pourtant pas délégué au VIIe congrès

► L’épisode du Front populaire : une parenthèse dans la situation coloniale ?
L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1936 est bien accueillie en Indochine et dans les pays colonisés. Marius Moutet, ministre socialiste et défenseur des colonisés en tant qu’avocat, fait libérer 11 000 condamnés politiques, parmi lesquels des compagnons proches de Hô Chi Minh : Pham Van Dong et Ton Duc Thang.

Marius Moutet, sénateur socialiste en 1933, ministre des Outre-Mer du Front populaire en 1936
Marius Moutet, sénateur socialiste en 1933, ministre des Outre-Mer du Front populaire en 1936

Les communistes vietnamiens se limitent à des revendications démocratiques et sociales. Ils abandonnent – provisoirement – l’exigence de l’indépendance. Ils restent prudents et garde une structure clandestine. Quoc ne rentre pas au Viet Nam mais le PCI tisse un vaste réseau dans toute la population.
Son programme pour être paré à toutes circonstances :
♦ Pas de demandes trop exigeantes : se limiter aux libertés fondamentales (droits de réunion, de presse et de parole, amnistie totale pour les condamnés politiques, légalisation du Parti).
♦ Créer un large front national démocratique entre les Vietnamiens, les Français progressistes, la bourgeoisie nationale.
♦ Tout faire pour retenir la bourgeoisie dans le front.
♦ Aucune entente avec les trotskistes, ces agents du fascisme.
♦ Élargir son influence avec le Front populaire français.
♦ Le parti ne doit pas prétendre être le dirigeant du Front démocratique. Attendre le moment.
♦ Combattre le sectarisme des membres et élever le niveau culturel. Entretenir les liens avec le PCF.
♦ Surveiller les journaux du Parti.

Finalement Moutet échoue et ne fait pas mieux que ses prédécesseurs, victime de ses vieux réflexes : « L’ordre français doit régner en Indochine » !
Dix années plus tard, de retour au ministère des Outre-Mer, Moutet trouvera Hô Chi Minh devant lui.

Nouveau séjour en Chine
Grâce à l’aide de Manouilski, Quoc obtient de ne plus être « sans activité hors du parti ». Il est envoyé au Yunnan. Il passe toute la période qui précède la guerre au sein de la VIIIe armée révolutionnaire. Il y côtoie Chou En Lai et surtout le général Yeh Chien Ying. Il alterne charges importantes (questions d’hygiène et de santé) et les tâches plus simples (articles).
Début 1939, Quoc – commissaire politique – suit le général dans le Guangzi pour y assurer la formation des troupes chinoises à la guérilla.
En février 1940, Quoc s’installe dans le Yunnan.

***

1940-1945
DU FRONT VIET MINH À LA PROCLAMATION DE L’INDÉPENDANCE

En juillet 1940, Quoc envoie à Moscou un rapport sur l’Indochine, signe que son autorité est de nouveau reconnue.
La débâcle du printemps 1940 et l’installation du régime de Vichy vont changer la donne estime Quoc. Il propose la création d’un Front uni contre la France coloniale et le Japon militariste. Sa constitution lui paraît imminente.
Le 22 novembre 1940, le PCI déclenche une insurrection dans le Sud. Le fiasco ! Plusieurs milliers de victimes. Le PCI est anéanti en Cochinchine et se transporte vers la frontière chinoise, au Nord. Situation riche de conséquences.28 août 1941, l’opération Barbarossa décapite l’Internationale. C’est le moment pour Quoc d’appliquer sa stratégie.
En 1940, une nouvelle génération arrive aux pouvoirs aux côtés de Quoc 50 ans, celle de Truong Chinh (33 ans) secrétaire général en 1941, Hoang Quoc Tiet (35 ans) futur responsable des syndicats, Pham Van Dong 34 ans et Vo Nguyen Giap (29 ans).

► Juin 1940 – Vo Nguyen Giap, première rencontre avec Nguyen Ai Quoc, Kunming
Pham Van Dong et Vo Nguyen Giap franchisse la frontière chinoise pour rencontrer Nguyen Ai Quoc en juin 40. Courte rencontre sur un sampan au lac de Cui. Le courant passe.

► Janvier 1941 – La grand retour au Viet Nam sous le pseudonyme de Hô Chi Minh
Jusqu’au printemps 1945, les Français affaiblis et les nouveaux maîtres japonais cohabitent.
En décembre 1940, Quoc et ses amis décident de rentrer au Viet Nam, non par Lao Cai et le chemin de fer du Yunnan trop surveillé par la Sûreté française, mais par Cao Bang. Sous le nom de Hô Chi Minh.
Le 28 janvier 1941, Nguyen Ai Quoc rentre au pays après 30 années à l’étranger. S’installe dans une grotte au lieu-dit Coc Bo près du village de Pac Bo.

Mai-septembre 1941 – Fondation du Viet Nam Doc Lap Dong Minh Hoi, dit Viet Minh
Début mai 1941, côté chinois de la frontière, se réunit le plénum du Comité central du PCI (le 8e). Création du Viet Minh, front pour la libération du Viet Nam. Les conceptions interclassistes et nationalistes de Quoc l’ont emporté.
3 semaines plus tard, la Sûreté arrête trois délégués et reconstitue le déroulement du plénum, les noms des participants et leurs descriptions, les objectifs du front.
Le 6 juin 1941, Nguyen Ai Quoc lance un appel à la population :
« […] Depuis que les Français ont été battus par les Allemands, leurs forces se sont désagrégées. Mais envers notre peuple, ils continuent leurs abominables procédés de pillage. […] Aujourd’hui, l’heure de la libération a sonné. Compatriotes dans tout le pays ! Levons-nous ! Suivons le glorieux exemple du peuple chinois ! Organisons sans tarder la Ligue pour le salut national qui combattra les Français et les Japonais ! […] Riches notables, soldats, ouvriers, paysans, intellectuels, fonctionnaires, commerçants, jeunes gens, femmes, vous qui êtes pleins de patriotisme ! À cette heure, la libération nationale prime tout. Unissons-nous ! »
Mais le Viet Minh ne sera véritablement fondé qu’en septembre 1940.

Vo Nguyen Giap et Ho Chi Minh dans les années 40
Vo Nguyen Giap et Hô Chi Minh dans les années 40

 ► La vie quotidienne au maquis
Le Viet Minh s’implante dans l’extrême nord du Tonkin. La vie matérielle y est précaire, l’exaltation patriotique extrême. Quoc y écrit aussi des vers : vers d’espoir ou pamphlet contre Pétain.
« Malencontreuse la destinée de la France ;
Pétain, maréchal trop vieux, te voilà putride.
À genoux, tête baissée devant les Allemands ;
Sourcils froncés, yeux haineux contre les Anglais.
Tu as vendu ta patrie, mais “sauveur”, tu te vantes ;
Tu te couvres d’opprobre, mais te crois célèbre.
Vieux de cette espèce, tu es bien un vieux fou ;
Laissant dans l’histoire, à jamais, un sale nom. »
Vo Nguyen Giap s’en souvient, bien des années plus tard.

► Naissance définitive d’Hô Chi Minh dans les prisons chinoises
À la mi-août 1942, Nguyen Ai Quoc rentre en Chine pour rencontrer des nationalistes chinois avec qui s’allier contre les Japonais. Et aussi des communistes. Il se fait appeler Hô Chi Minh, « journaliste chinois résidant au Viet Nam ». Mais il est pris pour un espion comme ses compagnons, Le Quang Ba et un guide ami chinois. Les conditions de détention sont terribles. Le guide meurt. Au Viet Nam, on craint pour la vie de Quoc. Il rêve, il réfléchit, il écrit des poèmes, publiés sous le titre Carnet de prison.
« Que faire quand on est en prison, sans alcool, sans fleur
Devant cette nuit délicieuse et par un temps si beau ?
L’homme contemple par la croisée la lune en sa splendeur
La lune regarde le poète à travers les barreaux… » 1943

Carnet de prison

Apprenant qu’il est toujours en vie, les compagnons de Ho se mobilisent pour le libérer. Les Chinois décident de s’appuyer sur le jeune Viet Minh pour les aider à déloger les Japonais de la région. Le général Chang Fa Kwei décide de libérer Hô qui reste cependant en résidence surveillée et ne sera vraiment libéré que fin septembre 1944.

► 1945 – La stratégie internationale du Viet Minh
Quelles sont les alliances possibles pour le Viet Minh ?L’Internationale communiste, dissoute en mai 43 par Staline ? L’URSS n’entrera en guerre contre le Japon qu’en août 1945 et ne s’intéresse aucunement à ce petit pays asiatique.
♦ La France libre ? Pèse alors fort peu et n’envisage des changements qu’à la marge, de l’Indochine restant française !
♦ Les Américains ? Jeu subtil et étonnant avec l’OSS, l’ancêtre de la CIA. Sont d’accord contre le Japon mais aussi pour se débarrasser de la France dans la région.

Hô Chi Minh va pouvoir rentrer au Viet Nam, assuré de ne pas être inquiété par l’OSS. Il noue une amitié destinée à durer avec le major Archimedes L.A. Patti qui témoignera plus tard dans Why Vietnam ? Prelude to America’s Albatros.

Why Vietnam
Why Vietnam 

9 mars 1945 – Coup de force japonais.
L’administration française est détruite.

27 avril 1945 – Patti et Ho se rencontrent pour la première fois.
« La sincérité, le pragmatisme et l’éloquence de Hô me firent une impression ineffaçable.
[…] En des termes bien calculés, Hô fit miroiter une proposition très attrayante qu’il savait que nous examinerions sérieusement. Astucieusement, il ne demanda rien : il présentera tout simplement le potentiel de son organisation politico-militaire. Pour le reste, il était disposé à attendre sans engagement de notre part. » Archimedes Patti
Mise en place du plan commun américano-Viet Minh de lutte contre les Japonais. Hô s’installe à 100 km de Hanoï, à Tan Trao.
Après Hiroshima, le Japon cède. Ho écrit au président Truman mais les Américains sont effrayés par l’engagement communiste de la plupart des dirigeants du Viet Minh.
À la conférence de Postdam (Churchill-Truman-Staline du 17 juillet au 2 août) l’Indochine est divisée en deux zones : au nord du 16e parallèle, les nationalistes chinois sont chargés de désarmer les Japonais et de contrôler le territoire ; idem pour les Britanniques au sud. La France n’a pas été consultée et personne ne se soucie de Hô Chi Minh. Pourtant, l’équipe est en place.

1945 - Rencontre Viet Minh – OSS américain
1945 – Rencontre Viet Minh – OSS américain – Le capitaine Archimedes Patti entouré de Hô Chi Minh et Vo Nguyen Giap

► Derniers préparatifs de l’insurrection générale 
En juillet 1944, Hô s’oppose à une insurrection armée pour tout le nord du pays – le Cao-Bac-Lang soit la zone frontalière Cao Bang, Bac Kan, Lang Son – estimant que les forces ne sont pas réunies.
La France coloniale n’est pas encore défaite : la France libre a gagné en métropole mais l’amiral Decoux nommé par Pétain reste gouverneur général.
Hô propose une stratégie fondée sur le primat du politique sur le militaire, de la propagande sur l’action armée. Constante de la pratique communiste vietnamienne.
Conséquence : naissance de la Brigade de propagande armée de l’Armée de libération du Viet Nam. « La Brigade est appelée à devenir l’aînée d’une famille nombreuse. […] Elle est l’embryon de l’Armée de libération et elle a devant elle pour champ d’action tout le sol du Viet Nam, du Nord au Sud. »
La Brigade est confiée à Vo Nguyen, Giap professeur d’histoire, très jeune (né en 1911) et sans expérience militaire aucune !
Après la capitulation japonaise du 15 août 1945, le moment est venu de passer à l’action pour le Viet Minh, profitant du vide du pouvoir :
♦ Les vichystes sont défaits
♦ Les Français libres pas encore installés
♦ Les Japonais observent le désarroi des Blancs
♦ Les Chinois nationalistes et les Britanniques pas encore installés à la suite de Potsdam

Lettre de Nguyen Ai Quoc à ses compatriotes – la dernière sous ce nom – appelant à l’unité et annonçant l’indépendance imminente.

Ho Chi Minh le nouvel homme fort du Vietnam et le prince-citoyen 
Vinh Thuy- ex empereur Bao Dai - après son abdication
Hô Chi Minh le nouvel homme fort du Vietnam et le prince-citoyen – Vinh Thuy- ex empereur Bao Dai – après son abdication

Deuxième quinzaine d’août, la Révolution l’emporte : Bao Dai remet son acte d’abdication à des émissaires Viet Minh,. Les les réseaux urbains du Viet Minh se préparent. Hô Chi Minh rejoint Hanoï (25 août), rencontre un agent de la France libre (29 août) – Guy de Chezal – à qui il laisse « une extraordinaire impression d’intelligence et de bonté ».
Est-ce auprès de lui que Hô prononcera cette phrase passée à la postérité ?
« La France a les plus belles idées. Mais ce ne sont pas pour elles des articles d’exportation. »

► 2 septembre 1945 – Hô Chi Minh, déclaration d’indépendance
Hô Chi Minh apparaît en public pour la première fois. Peu savent que Nguyen Ai Quoc et lui ne font qu’un. L’événement se déroule dans le plus grand calme place Ba Dinh avec des centaines de milliers de Vietnamiens venus des provinces et habillés de leurs costumes régionaux.
La déclaration prononcée par Ho est signée du gouvernement provisoire. Elle commence ainsi : « Tous les hommes naissent égaux » et se termine ainsi : « Le Viet Nam a le droit d’être libre et indépendant et, en fait, il est devenu un pays libre et indépendant. Tout le peuple du Viet Nam est décidé à mobiliser toutes ses forces spirituelles et matérielles, à sacrifier sa vie et ses biens pour garder son droit à la liberté et à l’indépendance. »
La République démocratique du Viet Nam est née.

Déclaration d'indépendance du Viet Nam, place Ba Dinh, le 2 septembre 1945
Déclaration d’indépendance du Viet Nam, place Ba Dinh, le 2 septembre 1945

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1945-1954
FACE A LA GUERRE COLONIALE DE LA France

À la Libération, le plus grand flou règne dans le gouvernement de Gaulle, sur la situation en Indochine. La Déclaration d’indépendance surprend. Qui est ce Hô Chi Minh ? Nguyen Ai Quoc, lance un agent français ? Mais non, il est mort entre 1931 et 33 à Hong Kong !
Un jeune quotidien du soir, Le Monde publie un article très approximatif !

► Septembre 1945– Mai 1946 – La politique française : Conciliation ou reconquête coloniale ?
Que faire des colonies ? Les émanciper ou conserver l’empire ? Pour de Gaulle, pas de doute : « La France prétend recouvrer sa souveraineté en Indochine. » Propos du 24 août 1945 alors que le Viet Minh contrôle le Viet Nam !
Le 2 septembre, le quotidien socialiste Le Populaire écrit : « A-t-on réfléchi au non-sens que comporte cette expression : “Indépendance de l’Indochine” ? Car l’Indochine, fédérée par l’arbitrage et le ciment de la civilisation française, cesserait d’exister le jour même où elle viendrait à l’indépendance. »
Les patriotes vietnamiens sont dénoncés comme agents de l’étranger.
Par ailleurs l’orientation communiste du Viet Minh devient claire lorsque Hô Chi Minh est identifié comme le terrible Nguyen Ai Quoc !
Sur le terrain, la RDV contrôle le Tonkin et l’Annam mais en Cochinchine les Britanniques ignorent les nouvelles autorités.
À son arrivée le 5 octobre, le général Leclerc annonce une campagne de reconquête sans états d’âme.
À Hanoï, une petite équipe de Français établissent des contacts avec la RDV, s’inquiètent d’une guerre de reconquête sur une situation explosive.
Selon Paul Mus, un orientaliste parlant vietnamien : « Rien n’est plus viable sur le sol de l’Indochine si les Indochinois n’y sont pas associés. » Il ne sera pas entendu.

► Septembre 1945– Mai 1946 – La politique vietnamienne : Conciliation ou lutte à mort ?
Sans alliés, que faire, après le discours enflammé du 2 septembre ? Temporiser ?
La situation est complexe :
♦ Présence d’un corps expéditionnaire chinois de 180 000 hommes au Tonkin (Accords de Potsdam) qui suscite la méfiance et l’hostilité des Vietnamiens envers un ennemi héréditaire. Or les Occupants chinois sont brutaux : pillages, maisons occupées. « Plutôt flairer un peu la crotte des Français que manger toute notre vie celle des Chinois. » Déclaration prêtée à Hô Chi Minh.
♦ Lu Han accepte un accord avec la France : il évacue le Tonkin le 28 février 1946.
♦ Les Américains ont pris leurs distances. Roosevelt mort, Truman ne répond pas aux 8 lettres de Ho adressées entre octobre 45 et février 46. La guerre froide se prépare.
♦ Et Moscou ? Staline ne répond pas aux 2 télégrammes de Ho. Pourtant un ancien du Komintern président du Viet Nam aurait dû réjouir l’URSS. En 1945-46, on ne parle pas de Ho dans la presse ni les académies soviétiques ! Staline s’en tient à Potsdam pour cette région éloignée et de peu d’intérêt pour lui.
♦ Le 11 novembre 1945, Hô et les siens décident une autodissolution du Parti transformé en une commission d’études marxistes. Double objectif : rassurer les Chinois sur un éventuel gouvernement communiste au Viet Nam, rassurer les nationalistes vietnamiens non communistes. Mais c’est bien le PCV qui dirigeait. Les accusations d’opportunisme durèrent longtemps. De fait peu de contacts Vietnam-URSS entre 1945 et 1950.
♦ Le 23 octobre 1945, Hô manifeste une ouverture aux entreprises françaises respectant l’indépendance du Viet Nam. Sept semaines après le 2 septembre !
♦ Le 28 octobre 1945, Hô envoie un courrier aux chefs de parti du gouvernement de libération, sauf à de Gaulle (jugé conservateur), invitant à reconnaître l’indépendance du Viet Nam après « 80 ans de lutte contre la domination coloniale ».

► Printemps 1946 – Apogée des espoirs de conciliation
La démission de de Gaulle le 20 janvier 1946 permet d’espérer une politique plus réaliste en Indochine.
Le 8 février 1946, entretien Hô Chi Minh/Raoul Salan (pas encore OAS) qui cherche à régler les différends. Ho est ouvert à une coopération économique, culturelle avec la France mais farouchement attaché à l’indépendance du pays. Menace de débarquement de Salan. Hô ébranlé mais ferme : « Le sang coulera et ce sera malheureux car je ne le désire pas. » « Nous ne pouvons accepter de devenir des esclaves. La France est le pays de la liberté, que la France nous laisse donc cette liberté ».
Les deux hommes se reverront en France, le 12 septembre 1946, chez Raymond Aubrac. Puis Hô Chi Minh deviendra le symbole de la résistance vietnamienne.
Début mars 1946, Hô Chi Minh accorde un entretien au journaliste du Monde André Blanchet. Le premier paru dans la presse française sans doute.
Thèmes : Indépendance d’abord, tel est le credo de Ho. Nous ne voulons pas la guerre. Il n’est pas certain que la France gagne. La paix. Le Viet Nam est prêt à beaucoup de concessions économiques. Coopération, oui. Esclaves, non. La France a fait plus de mal que de bien.

Le général Leclerc, Hô Chi Minh et Sainteny, le 6 mars 1946. Source : ECPAD
Le général Leclerc, Hô Chi Minh et Sainteny, le 6 mars 1946. Source : ECPAD

Le 6 mars 1946, signature d’un accord Hô Chi Minh, Vu Hong Khanh et Jean Sainteny. Un pas de la France vers la reconnaissance de la souveraineté du Viet Nam mais des concessions importantes : mention « État libre » à la place de « État indépendant », acceptation du retour des troupes de Leclerc, menace sur l’union des trois « ky ». « Un Munich indochinois » ?
1200 hommes débarquent à Hai Phong, Leclerc en tête. 18 mars, défilé à Hanoï. Giap accueille Leclerc puis Hô le reçoit.
Le 31 mai, Hô repart pour la France avec Jean Sainteny attaché à la réussite de la politique de coopération, pour renégocier l’accord du 6 mars. « Je ne poursuis qu’un seul but, travailler pour les intérêts e la patrie et du peuple. » En route, Hô apprend que la Cochinchine – appelée par les Vietnamiens Nam Kỳ (« pays du Sud ») – est proclamée « République autonome » par l’amiral d’Argenlieu et Marius Moutet ministre de la France d’Outre-Mer. Traîtrise ! Hô continue son voyage.

► Juin-Décembre 1946 – ultimes négociations et marche à la guerre
Le voyage en avion dure deux semaines. L’avion finit par se poser à Pau. La direction socialiste du gouvernement français est renversée. Ho patiente dans le Sud-Ouest. Georges Bidault est investi le 23 juin. Très anticommuniste, il est moins favorable à la conciliation. Moutet joue double jeu.
Hô Chi Minh arrive enfin à Paris trois semaines après son départ du Viet Nam, le 22 juin. Le terrain du Bourget est noir de monde. Drapeaux français et vietnamiens flottent. Nombreux Vietnamiens de France. Hô Chi Minh est livide. Trop de monde… après avoir quitté Paris comme un proscrit 23 ans plus tôt.

Hô Chi Minh et Marius Moutet à Fontainebleau, décembre 1946
Hô Chi Minh et Marius Moutet à Fontainebleau, décembre 1946

Hô Chi Minh est reçu comme un chef d’État tandis que Pham Van Dong participe à des négociations à Fontainebleau. Sa personnalité modeste et affable surprend.
Très beau portrait de deux pages, tracé par l’avocat Phan Nhuan, membre du PCF, Vietnamien de France, qui commence ainsi : « Quand on se trouve près de ce petit homme doux, on se sent une certaine gaucherie, ou plutôt une certaine impuissance. »
Les Français qui connaissaient l’Indochine ou le Tonkin, découvrent le Viet Nam et le viet Minh.
Fondation d’une association France-Viet Nam, cet été 1946 : avec des communistes ou communisants (Benoît Frachon, Paul Langevin, Pablo Picasso, Louis Aragon…) et d’autres sensibilités comme Emmanuel Mounier de la revue Esprit, François Mauriac, le Pr Robert Debré…
Hô parle d’une Union française où les différentes parties sont libres. Mais la discussion de Fontainebleau marque un désaccord profond : la France n’est pas prête à une décolonisation pacifique, surtout avec un communiste !
Le 11 septembre 1946, Hô déclare à un journaliste : « Oui, nous allons devoir nous battre. »

Bombardement du port de Hai Phong le 23 novembre1946
Bombardement du port de HaïPhong le 23 novembre1946. Déclenchement de la guerre d’Indochine

Premier gros incident franco-vietnamien pour un obscur différend douanier, le 23 novembre 1946. La Marine française bombarde le port de Haïphong faisant des milliers de morts.
Signal de la généralisation du conflit.
Le 18 décembre, Hô dit à ses collaborateurs les plus proches : « Nous avons fait des concessions, mais plus nous en faisons, plus l’ennemi en profite pour empiéter sur nos droits. Notre peuple ne peut retourner à l’esclavage. La résistance sera longue, âpre et dure, mais certainement victorieuse. »
Dans le maquis : le gouvernement et la direction du Viet Minh s’installent dans une nouvelle capitale proche de Thai Nguyen, à 60 km au nord de Hanoï.
Le 19 décembre, les milices Viet Minh de Hanoï passent à l’offensive. Elles tiendront tête à l’armée française jusqu’en février 1947. Une guerre coloniale commence.

► La « guerre du tigre contre l’éléphant »
Métaphore utilisée à Paris par Hô Chi Minh pour expliquer comment le Viet Nam (le Tigre) gagnera la guerre contre l’Eléphant (La France) grâce à l’arme du nationalisme et à la guérilla.
20 décembre 1940 : appel de Hô Chi Minh au peuple vietnamien à entrer dans la lutte.
« Non plutôt tout sacrifier que perdre notre pays, que retomber dans l’esclavage. Compatriotes, debout ! »
La France est persuadée d’écraser le Viet Minh. Marius Moutet refuse de rencontrer Hô Chi Minh. Elle contacte Bao Dai en exil doré à Hong Kong pour donner naissance à une nouvelle entité : L’État du Viet Nam, c’est dire que le nom Viet Nam s’est imposé à tous ! Mais la population vietnamienne ne suit pas.

► Octobre 1947 – X.Y.Z., « La vertu révolutionnaire », maquis du Viet Bac
Bien secondé par Giap qui apprend vite, Hô se consacre son temps à la rédaction d’articles pour les cadres et militants, parus dans la presse du maquis et ultérieurement en brochure sous le titre : Corriger le style de travail.
Extraits
« Il n’est pas difficile pour les bons cadres de devenir de véritables révolutionnaires. […on acquiert toujours davantage de qualités. En bref, celles-ci sont cinq : le sens de l’humain, la droiture, l’intelligence, le courage, l’intégrité (nhân, nghia, tri, zung, liêm) »
Il définit ensuite chacune des qualités et termine ainsi :
« Il n’est pas de fleuve sans source. Que se tarisse la source et le fleuve se tarit. Il n’est pas d’arbres sans racines : sans elles, l’arbre flétrit. Le révolutionnaire doit savoir se conduire. Sinon, quel que soit son talent ou son génie, il ne saurait diriger le peuple. Libérer la nation, libérer l’humanité est une tache énorme. Si personnellement, on manque de vertu si l’on manque de base, si l’on est corrompu et faux, que pourra-t-on bien faire ? »

► Octobre 1947 – X.Y.Z., « Le manque d’objectivité », maquis du Viet Bac
Extraits
« Avoir de l’expérience pratique et ne pas savoir penser, c’est ne voir que d’un seul œil. Ces camarades doivent apprendre à penser pour devenir des cadres parfaits. 
Certains lisent des livres. Ils ne lisent pas beaucoup. Aimer lire et lire beaucoup est une qualité précieuse. Mais cela ne veut pas dire savoir réfléchir et penser. La pensée s’applique essentiellement à la réalité. Une pensée sans application au réel n’est que camelote. Celui qui lit des milliers de livres et qui ne sait pas appliquer sa pensée au réel ne vaut pas plus qu’une caisse de bouquins. Lire de nombreux livres pour s’en vanter, pour se montrer quelqu’un n’est pas savoir penser. »

► Guerre d’Indochine et guerre froide
La guerre froide commence en Europe : guerre civile grecque 1947-49, coup de Prague 1948, blocus de Berlin 1848-49. URSS et armée rouge chinoise n’identifient pas la Viet Nam comme un enfant de la guerre froide.
Seul le PCF soutient la Viet Minh. Avec l’avancée rapide de l’armée rouge chinoise et la proclamation de la République populaire (début octobre 1949) le front principal de la guerre froide bascule en Asie. Le début de la guerre de Corée le renforce.
Télégramme de félicitations de Ho à Mao (18 octobre 1949).
L’armée rouge chinoise arrive à la frontière du Tonkin en nov-déc 1949. Immense appui pour le Viet Nam révolutionnaire, du Tonkin à la RDA.
18 janvier 1950 – La Chine reconnaît le gouvernement Hô Chi Minh, suivie de l’URSS le 30 janvier. Il a fallu cinq ans à l’URSS pour découvrir la lutte des Vietnamiens ! Les autres pays socialistes de l’Est suivent.
Washington, Londres et d’autres adoubent Bao Dai.
Janvier 1950 – Dès que la frontière sino-vietnamienne est sécurisée, Hô va à Pékin (22 janvier) pour rencontrer Liu-Shao-Chi et Chou-En-Lai puis à Moscou où il est reçu par Staline (10 février). L’alliance est concrétisée mais Moscou laissera Pékin s’occuper de ce problème.
La France alerte et s’inquiète de la théorie des dominos qu’on attribue en général aux Étatsuniens. « C’est tout le Sud-Est asiatique que menace aujourd’hui le bolchévisme, et le Viet Nam est un des verrous les plus importants. » Guy Mollet 1950
Les États-Unis, jusque là peu enthousiastes, acceptent la convergence d’intérêts avec la France. Première livraison d’armes à Saïgon en mars 1950, avant la guerre de Corée.

► 1950-juillet 1954 – Un corps expéditionnaire français à la dérive : la fin d’une guerre
Octobre 1950 – « Bataille des frontières » ou « de la RC4 » : premier désastre !
L’aide américaine va croissant : 78 % des coûts en 1954.
Hô Chi Minh dénonce l’intervention américaine.
Mai 1953 – Le général Navarre remplace Raoul Salan qui a lui-même remplacé de Lattre : la fonction use !Navarre veut « casser du Viet » et leur tend un piège dans la cuvette de Diên Biên Phu. On connaît la suite. Pourtant le gouverneur René Mayer lui avait décrit la situation et l’avait préparé à « une sortie honorable ». Cf. Sur le site de Préfasse l’ouvrage d’Eric Vuillard, « Une sortie honorable ».
13 mars – 7 mai 1954 – La chute de Diên Biên Phu eut un retentissement extraordinaire dans le monde colonisé ou dominé. Diên Biên Phu est salué comme une victoire dans une Algérie chauffée à blanc. Trois mois après les Accords de Genève, l’insurrection algérienne éclate à la Toussaint 1954.
La Paix de Genève sonne comme une bombe à retardement car la Chine interdit au Viet Nam l’idée d’une victoire totale à court terme. Encore combien d’années ? Combien de morts ?
     

Le président du Conseil, Pierre Mendès France serre la main du premier ministre
Le président du Conseil, Pierre Mendès France serre la main du premier ministre chinois Chou En-Lai à la fin des négociations mettant fin à la guerre d’Indochine

20 juillet 1954 – Accords France-RDV garantis par la communauté internationale : ligne de démarcation provisoire au 17e parallèle et élections dans les six mois. Fausses promesses : le Viet Nam a été sacrifié sur l’autel de la coexistence pacifique. Aucune des grandes puissances ne voulait de ces clauses, les États-Unis en tête.
La RDC se retrouva seule, piégée.
22 juillet 1954 – Annonce des résultats de la conférence par Hô Chi Minh. Il parle de « grande victoire » mais contient 14 références à « l’unité du pays ».
9 octobre 1954 – Les Français quittent le Nord-Vietnam. Les troupes françaises et le Viet Minh se croisent sur le Pont Doumer à Hanoï, libérée.
48 heures plus tard, Hô Chi Minh retrouve sa capitale. Il n’a pas encore 65 ans et va livrer son dernier combat contre les États-Unis d’Amérique.

Libération de Hanoï – Pont Paul Doumer, aujourd’hui Long Bien
Libération de Hanoï – Pont Paul Doumer, aujourd’hui Long Bien

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1954-1969
FACE À LA GUERRE IMPÉRIALISTE DES ÉTATS-UNIS

Hô Chi Minh n’en vit pas l’issue victorieuse, la chute de Saïgon, du 30 avril 1975. Il meurt le 2 septembre 1969 à Hanoï, peu avant ses 80 ans, au terme d’une vie de longs combats.
Les États-Unis évincent leurs alliés français au Sud et installent le catholique Ngo Dinh Diem comme Premier ministre de Bao Dai. Le délai fixé pour les élections passe. Les maquis se reforment.

► Mars 1955, Hanoï – « Qu’on nous foute la paix, tout ira bien. » Hô Chi Minh
Relation d’une rencontre avec Hô Chi Minh par le professeur de médecine Joseph Ducoing, précurseur de la lutte contre le cancer, militant communiste et fondateur de l’association des amitiés franco-vietnamiennes de Toulouse.

► 4 novembre 1956 – Lettre à Eisenhower – « Quelles que soient vos prières, le peuple vietnamien est bien déterminé à lutter contre votre cynique intervention, à conserver son unité, à agir pour la réunification du pays, pour les belles montagnes, pour les fleuves que lui ont laissé ses ancêtres, à édifier un pays pacifique, réunifié, indépendant, démocratique et prospère. »

► 1959 – Hanoï décide du retour à la lutte armée. Naissance du FNL (Front national de libération). Des combattants du Nord descendent au Sud face à l’afflux de conseillers américains.

► L’adoption de la réforme agraire : « pragmatisme ou idéologie » ?
Dans les années 30, deux conceptions s’opposent : la vietnamienne, celle de Nguyen Ai Quoc soucieuse de l’unité des classes et l’indochinoise, celle de l’Internationale, plus radicale.
Après 1945, c’est la méthode vietnamienne qui prévaut.
En 1949, au lendemain de la victoire des communistes chinois, la modération a vécu. Moscou et Pékin dictent leur volonté. Le Kremlin ne comprend pas l’absence de Réforme agraire. Ho fait la sourde oreille. Mais doit s’incliner en décembre 1952. « Je suivrai la majorité mais je pense toujours que ce n’est pas la bonne voie. »
Loi du 19 décembre 1953 – Immédiatement appliquée dans les provinces de Thanh Hoa et Thai Nguyen, tenues par le Viet Minh. Puis partout au nord du 17e parallèle après le départ des autorités coloniales.

Pham Van Dong en 1954
Pham Van Dong en 1954

► Discours de Pham Van Dong à l’Assemblée nationale, décembre 1953
« La réforme agraire est une révolution, une lutte des classes dans l’intérêt des paysans. Nous devons donc mobiliser et éduquer les masses de paysans prolétaires et pauvres, nous appuyer sur les forces des paysans prolétaires et pauvres qui se sont éveillées, être étroitement solidaires des paysans moyens […], puis nous lier avec les paysans riches, afin de punir avec discernement la classe des propriétaires féodaux ; traiter, négocier avec les personnalités progressistes et démocrates afin qu’elles se tiennent dans le camp des paysans ; lutter pour dévoiler les fautes des propriétaires ordinaires et en même temps les encourager et les éduquer ; isoler, cingler vigoureusement et punir d’une manière méritée la clique des propriétaires terriens réactionnaires, tyranniques et cruels qui ont commis beaucoup de crimes cruels envers la Résistance et la patrie. »
Mais de discernement, il n’y eut point. La ligne gauchiste l’emporta et ses excès et injustices. 8 février 1955 – Hô Chi Minh intervient pour dénoncer une politique utilisant « les mêmes moyens que les impérialistes, capitalistes et féodaux pour mater les masses. »
Bilan humain difficile à évaluer : 50 000 victimes ? 15 000 ? En 1959 ? Hô Chi Minh a avancé le nombre de 10 000 pour la période 1953 à 1957.
La politique suivie est exploitée au Sud, évidemment, pour discréditer le Nord.
18 août 1956 – Discours de Hô Chi Minh pour stigmatiser les excès et engager une politique de rectification. Abolition des comités locaux de la Réforme agraire. Il fallut attendre la fin 1957 pour que les plaies commencent à se cicatriser.

► L’escalade américaine, la réplique vietnamienne
Kennedy, élu en 1960, amplifie l’engagement de son pays au Viet Nam. Le flux d’hommes et de matériel ne cesse d’augmenter. Le nombre de conseillers militaires passe très rapidement de 700 à 12 000, à 16000 en 1963. C’est bien sous Kennedy que l’escalade a commencé.
Le gouvernement Diem doit faire face au FNL et aux bouddhistes (moines qui se font brûler).
28 août 1963 – Hô Chi Minh dénonce la clique de Ngo Dinh Diem soutenue par les Américains.
« Le peuple vietnamien entier exige résolument que les impérialistes américains se retirent du Sud-Viet Nam. Le problème du Sud-Viet Nam doit être résolu par la population du Sud elle-même. »
2 novembre 1963 – Le régime Diem est si discrédité que la CIA fomente un coup d’État pour éliminer Diem et son clan.
22 novembre 1963 – Kennedy est assassiné
Johnson continue la même politique.
3 millions de soldats américains seront envoyés sur le terrain. Défoliants. Extension du conflit au Cambodge et au Laos.
Mais « la machine de guerre connaît recul sur recul. »
Offensive du Têt 1968
31 décembre 1968 – Hô Chi Minh écrit à ses « amis américains ».
« Je salue chaleureusement la lutte courageuse de nos amis américains, Blancs et Noirs, pour mettre fin à la guerre d’agression US au Viet Nam et soutenir notre résistance, lutte qui sauvegarde en même temps les intérêts et l’honneur du peuple américain ainsi que la vie des jeunes de ce pays. »
Johnson renonce à se représenter. Nixon lui succède en promettant un désengagement. Il rapatrie les boys tout en renforçant les régimes locaux pro-américains.

► 17 juillet 1966 – « Rien n’est plus précieux que l’indépendance et la liberté ». Hô Chi Minh
Long appel au peuple vietnamien. Extraits.
« Les barbares impérialistes américains ont lancé une guerre d’agression pour tenter de conquérir notre pays, mais ils subissent de lourdes défaites. […] Ils ont eu recours aux moyens les plus sauvages de la guerre : produits chimiques toxiques, bombe au napalm, etc. « Tout brûler, tuer le monde, détruire tout », telle est leur politique de la terre brûlée c’est avec de tels crimes qu’ils espèrent soumettre à leurs vues, nos compatriotes du Sud. […] Le Viet Nam du Nord ne fléchira pas. Notre armée, notre peuple, ont déjà montré combien ils savaient redoubler d’émulation pour continuer à produire et à combattre héroïquement. Nous avons déjà abattu mille deux cents avions ennemis. Nous sommes déterminés à mettre fin aux destructions ennemies et à donner tout notre appui à nos chers compatriotes du Sud.
Février 1967 – Johnson propose une reprise de contact avec Hô Chi Minh via l’ambassadeur des É.-U. à Moscou, en vue de chercher un « règlement pacifique » entre Washington et Hanoï. Johnson met en parallèle l’arrêt des attaques du Nord contre le Sud et des É.-U. contre le Nord Viet Nam.
Pour Hô Chi Minh, la condition du retour à la paix est la cessation de l’agression américaine.
Dans sa lettre du 10 février 1967, Hô Chi Minh le lui rappelle fermement.
« La guerre d’agression américaine contre le peuple vietnamien constitue un défi aux pays du camp socialiste, une menace pour le mouvement d’indépendance des peuples et un grave danger pour la paix en Asie et dans le monde. […] Si le gouvernement des États-Unis désire réellement ces conversations, il doit tout d’abord cesser inconditionnellement les bombardements et tous autres actes de guerre contre la RDV. […] Le peuple vietnamien ne cédera jamais contre la force ; il n’acceptera jamais des conversations sous la menace des bombes. Notre cause est juste. Il est à souhaiter que le gouvernement des États-Unis agisse conformément à la raison. »

► Les dernières années : le patriarche
Hô Chi Minh n’a plus le rôle de direction unique qu’il avait lors de la guerre française. Il est entouré des anciens, Vo Nguyen Giap et Pham Van Dong et d’une nouvelle équipe autour de Le Duan, secrétaire du PCV depuis 1960. Ho a 70 ans. Universellement connu, pour le monde entier, il est l’Oncle Ho, symbole de la résistance.
Il écrit des poèmes-tracts. Il répond aux sollicitations des médias.
Entretien de 8 min accordé à Cinq colonnes à la une pour la télévision française. Il s’exprime dans un excellent français, tout en tirant sur sa cigarette.
Sa santé ne lui permet plus de participer à la vie politique quotidiennement.
Le 3 novembre 1968, il lance un nouvel appel au peuple.
« Chers compatriotes et combattants,
Bien des difficultés et des sacrifices nous attendent mais la grande lutte de notre peuple contre l’agression américaine pour le salut national marche à grands pas vers la victoire. La Patrie nous appelle à aller résolument de l’avant, à vaincre totalement l’agression américaine ! Les impérialistes américains seront vaincus ! Notre peuple vaincra ! »
Quelques mois plus tard, L’Oncle Ho quittait ce monde.

***

LES TESTAMENTS

Le Comité central du Parti des Travailleurs Vietnamiens PTV) annonce la mort du président Hô Chi Minh le 3 septembre 1969. Il est mort la veille mais la date correspondait à la déclaration d’Indépendance du 2 septembre 1945.
Le PTV rend public le « Testament du président Hô Chi Minh » datée du 10 mai 1969.
Vingt ans plus tard, la politique du doï moï (transparence) incite le PCV (ex PTV) à publier une version datée du 10 mai 1968, en pleine guerre américaine, dans laquelle Hô Chi Minh souhaite être incinéré et s’oppose à l’idée de mausolée. Vœux non respectés.

Alain Ruscio publie les testaments du 15 mai 1965, de mai 1968, du 10 mai 1969.

« En ce qui me concerne personnellement – Durant toute ma vie, j’ai servi de tout mon cœur, de toutes mes forces la Patrie, la Révolution et le peuple. Maintenant si je dois quitter ce monde, je n’ai rien à me reprocher, je regrette seulement de ne pouvoir servir plus longtemps, et davantage. Après ma mort, il faut éviter d’organiser de grandes funérailles pour ne pas gaspiller le temps et l’argent du peuple.
En dernier lieu, à tout notre peuple, à tout notre Parti, à toutes nos forces armées, à mes neveux et nièces, les jeunes et les petits-enfants, je lègue mon affection sans bornes.
J’adresse également mon salut fraternel aux camarades, aux amis, aux jeunes et aux petits enfants de tous les pays.
Mon ultime souhait est que tout notre Parti, tout notre peuple s’unissent étroitement et fassent tous leurs efforts pour édifier un Viet Nam pacifique, réunifié, indépendant, démocratique et prospère, et contribuer dignement à la révolution mondiale. »
Derniers paragraphes du testament du 10 mai 1969. Hô Chi Minh a 79 ans. Il mourra moins de quatre mois plus tard sans avoir vu la libération du pays et sa réunification.

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HÔ CHI MINH VU PAR KATEB YACINE

Kateb Yacine (1929-1989), écrivain algérien de renom ne perdait pas une occasion d’exprimer son admiration à l’égard de Hô Chi Minh.

« Il y a un demi-siècle, un jeune Vietnamien balayait la neige dans les rues de Londres
Cet homme, c’était Hô Chi Minh,
Balaya du même coup deux grandes puissances impérialistes. »
Le Monde 30 novembre1970 – L’écrivain public et le balayeur

« De tous les militants du mouvement communiste, c’est pour moi le plus grand, car il sut rester un homme simple et mourut comme il vécut : en poète autant qu’en militant, sans aucune trace d’égoïsme ou d’orgueil national, il est l’héritier direct de Lénine, et sans un homme comme lui, les pays coloniaux n’auraient jamais trouvé la force de se soulever. »
Lettre à Charlotte Huerre, 4 septembre 1969

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Alain Ruscio

Un spécialiste de la guerre d’Indochine 

Alain Ruscio, né en 1947, est un historien, chercheur indépendant, qui a consacré l’essentiel de son travail, dans un premier temps, à la colonisation française en Indochine et à la guerre d’Indochine. De 1978 à 1980, il fut correspondant de presse de L’Humanité au Viet Nam et au Cambodge.
Alain Ruscio dirige actuellement le Centre d’information et de documentation sur le Viet Nam contemporain (CID-Vietnam), fondé en 1984. Ce centre, selon lui, a longtemps été le seul en France et même hors du Viet Nam à rassembler une documentation importante et variée sur le Viet Nam contemporain sous tous ses aspects.

Régine Hausermann, juin 2025

[1] En gras, les différents pseudonymes de Hô Chi Minh

[2] La SDN, Société des Nations, ancêtre de l’ONU

[3] Graphie curieuse pour Quoc = la patrie/le patriote

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