L’Arbre aux papillons d’or

Un film de Pham Thiên An
Caméra d’or à Cannes 2023

L’Arbre aux papillons d’or - Un film 
de Pham Thiên An - Caméra  d’or à Cannes 2023

Dans la grande ville

Trois jeunes hommes sont installés à une terrasse à Hô Chi Minh-Ville. Ils boivent une bière tout en parlant de l’immortalité, du sens de la vie. Soudain, un grand boum interrompt leur discussion : deux motos se sont télescopées, une femme est morte alors que l’enfant qui l’accompagnait sort indemne de l’accident. Un fait divers fréquent au Vietnam.

Deuxième séquence : l’un des trois jeunes hommes est allongé dans un salon de massage, la jeune masseuse à genoux au-dessus de lui. Las ! un appel téléphonique rompt le plaisir attendu. La belle-sœur de Thiên est morte dans un accident de moto. Son neveu, quasi indemne, l’attend à l’hôpital. S’agissait-il de l’accident survenu à proximité de la terrasse ? Était-ce seulement un élément annonciateur ?

Le film est lancé : Thiên doit abandonner sa vie de célibataire épicurien pour s’occuper de son neveu âgé de cinq ans et ramener le corps de sa belle-sœur dans le village des hauts plateaux dont ils sont originaires.

Une dimension documentaire

Le film s’apparente à un documentaire reflétant les mœurs et coutumes des Vietnamien·nes catholiques. Très nombreux·ses dans le Sud du pays.

Le réalisateur confirme son intention. « J’ai utilisé des acteurs non professionnels et, si possible, des résidents locaux, des lieux réels et un éclairage aussi naturel que possible, des plans longs et des mouvements de caméra statiques, afin de créer une narration réaliste. » La séquence des obsèques de la jeune morte, du cortège progressant dans la campagne au son de la musique jouée par des musiciens locaux retient l’attention. L’omniprésence de la nature, celle des animaux, les chemins de terre, les maisons rudimentaires en bois où l’on s’éclaire à la bougie… tout concourt à renforcer le contraste entre la ville et la campagne. Sans jamais succomber à la facilité de la belle image.

Retour vers le passé

Le voyage vers le village natal conduit Thiên à renouer avec son passé. Ses parents ont émigré aux États-Unis. Qu’est devenue son amour de jeunesse ? Elle est religieuse dans un couvent de la région où elle est entrée peu après le départ de Thiên pour Saigon. Il lui rend visite par un matin brumeux. Autre rencontre, celle de Monsieur M. Luu, le vieil homme qui enveloppe les défunts du village depuis qu’il est rentré de la guerre. Pham Thiên An explique son attirance pour cet homme et son expérience de la vie et de la mort. Mais où est passé le frère de Thiên ? On se pose la question, à laquelle le réalisateur répond tardivement : il a disparu depuis longtemps. Tiên part à sa recherche sur une vieille moto.

Thiên devant la grille du couvent
Thiên devant la grille du couvent

Road movie sur les hauts plateaux

Sur son chemin, il croise une vieille femme qui semble ne plus avoir toute sa tête, mais tient des propos philosophiques et a des airs de chamane : « Personne ne peut comprendre l’âme humaine, c’est au-delà de l’entendement humain, je vois la souffrance des hommes, je sens son odeur de pourriture ».

Sa moto tombe en panne dans la montée d’un col, mais il n’attend pas longtemps avant qu’une autre moto ne s’arrête. Quelqu’un croit avoir vu son frère, du moins un homme qui ressemble à la photo que lui montre Thiên.

Le temps passe. Présent, passé, et futur se confondent. La première séquence onirique déconcerte et perturbe la chronologie réelle. « Une fois que les spectateurs se sont suffisamment imprégnés des personnages, je les entraîne dans un monde intérieur plus profond, comme dans un sommeil paradoxal. Lorsque le rêve est complètement construit, je les emmène plus loin encore dans le monde surréaliste. Nous sommes souvent hypnotisés par ce que nous pensons savoir, alors que nous ne le savons pas. »

Une des images rêvées par Thiên : son amour d’enfance l’attendait !
Une des images rêvées par Thiên : son amour d’enfance l’attendait !

Plus loin, sur la route de montagne, Thiên est émerveillé par un arbre couvert de papillons… d’or. Il arrive à la maison où son frère est censé habiter. Mais la maison est vide. Thiên s’approche du torrent, s’allonge sur les galets, les bras en croix.

Un beau film, lent et long (2 h 58), méditatif, pendant lequel Thiên réfléchit sur le sens de sa vie.
L Arbre aux Papillons

Régine Hausermann
Octobre 2023


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