Rue des soldats de Chu Lai

Rue des soldats
Rue des soldats de Chu Lai, né en 1946

Roman publié à Hanoï en 1999 sous le titre Phô, en France aux éditions de l’Aube en 2003, traduit par Alain Clanet. Édition de poche 2004, 380 pages.

Au-delà du pont Thang Long à Hanoï s’étire la rue des Soldats, où tout le monde se connaît, où chaque famille essaie de s’en sortir, d’améliorer le quotidien, dix ans après la guerre du Vietnam qui a laissé bien des séquelles, après laquelle il faut réapprendre à vivre.
Chu Lai nous raconte l’histoire de cette rue à travers celle de deux familles : celle de Nam, colonel du génie, et de sa femme Thao, médecin-militaire; celle de Lam, caporal démobilisé, sans travail, qui s’est amouraché d’une femme louche. Un court prologue donne le ton du récit : scène de noyade d’un couple accroché à une bouée sur la mer démontée. L’épilogue nous donnera les clefs de cette scène au terme de 35 chapitres – regroupés en 2 parties – entrecroisant l’itinéraire des deux couples.

Jour gris sur le Fleuve Rouge – Le Pont Thang Long (1985)
Jour gris sur le Fleuve Rouge – Le Pont Thang Long (1985)

Le premier chapitre s’ouvre sur les problèmes financiers de Nam et Thao, la mauvaise santé de leur fille de 7 ans. Ne supportant plus les privations, les difficultés de vie, Thao décide de s’exiler pour trois ans en Allemagne où elle exercera comme médecin et dont elle reviendra riche. Alors ils pourront être heureux. Nam résiste à ce projet mais doit s’incliner devant la détermination de Thao. Avec l’aide de ses beaux-parents – son beau-père général en retraite a ouvert un café – de sa belle-sœur Loan, de son ami Binh – réalisateur de cinéma qu’il a connu sur le front – il réussit à supporter sa détresse, rêvant de Thao qu’il aime toujours éperdument. Il soigne sa fille, s’inquiète pour son ancien subordonné Lam qui vit misérablement sur un bout de trottoir où sa compagne a donné naissance à un enfant. Un soir, la femme de Lam lui vole l’argent envoyé par Thao mais le lendemain, Lam vient restituer l’argent, frappe sa femme, l’injurie.
Lam décide de quitter le quartier et accepte l’offre de Zung, un brigand de la ligne Hanoï –Lao Caï qui vient de sortir de prison et lui propose de partir s’enrichir à Quy Chau, la mine de pierres rouges. Lam creuse comme un damné jusqu’au jour où il trouve la pierre qui va le rendre riche…avant d’en être dépouillé. Il revient à Hanoï au bout de quelques mois et retrouve sa femme qui l’avait attendu à la campagne chez son père. Pour échapper à la misère, nourrir sa famille – sa femme attend un deuxième enfant- il décide de se lancer dans les affaires avec Zung: la contrebande à la frontière chinoise. Mais après une rencontre avec Loan, il ne supporte plus sa condition de marginal et quitte Zung. Bientôt il se lance dans le commerce de la canne à sucre.
Le mur de Berlin est tombé, Thao envoie encore plus d’argent, et des produits capitalistes de meilleure qualité. Nam n’y comprend plus rien.
Lam travaille tellement dur pour livrer la canne à sucre qu’il tombe malade. Sa femme le soigne, s’occupe des enfants. Leur relation s’apaise, Lam s’avoue son amour pour sa femme.

Maisons tubes à Hanoï
Maisons tubes à Hanoï

Au chapitre 21, début de la deuxième partie, Thao revient, très riche et parle à Nam de ses projets : surtout celui de construire une maison. Nam voudrait lui dire tout son amour, ses désirs, ses frustrations mais elle est distante et le courant ne passe plus. Thao ne supporte plus les baisers de son mari et tombe amoureuse d’un homme séduisant, distingué, raffiné, l’architecte qui a construit sa maison, Sau Hung.
Les affaires de Lam prospèrent, il tire des profits inespérés de ses plantations de tabac pour pipe à eau, il va créer une deuxième usine à sucre, se faire construire une maison et décide d’aller le revoir, quatre ans après avoir été chassé par lui.
Un jour, le hasard lui fait découvrir la liaison de Thao et Hung qu’il essaie de mettre en garde : Thao est mariée, son mari l’aime. Les amants décident de ne plus se voir. Ils tiennent six mois et puis, un jour, ils vont au bord de la mer.

Plongée dans une rue de Hanoï à une période de mutation, dix à quinze ans après la guerre. L’architecture change, les maisons s’élèvent, pratiquent des ouvertures dans les murs, les petits commerces ferment, l’uniforme perd de son prestige, le mode de vie matérialiste gagne, la stabilité de la famille s’effrite. Vers où s’engage le Vietnam, « vers un mieux mais peut-être aussi vers le pire ». Le couple de Nam et Thao a éclaté mais celui de Lam et sa femme s’est fortifié et Lam est devenu un homme prospère et honnête. Comment concilier les aspirations au changement et le bonheur individuel et familial ?

Pont Long Bien (anciennement Pont Paul Doumer), le plus ancien de Hanoï (1902)
Pont Long Bien (anciennement Pont Paul Doumer),
le plus ancien de Hanoï (1902)
Retour