Vi de Kim Thuy

Vi, la « minuscule » qui a osé braver les traditions !

Vi, la « minuscule » qui a osé braver les traditions !

Dans Vi, publié en 2016, Kim Thuy creuse sillon initié avec Ru et Mãn. Cette fois, la narratrice s’appelle Vi, « minuscule et précieuse » mais la trajectoire est la même. Pas tout à fait, car le récit d’apprentissage passe par des expériences plus violentes, plus radicales. Les fragments narratifs ont d’ailleurs tendance à s’allonger.
Il est difficile d’exister comme individu au Vietnam, c’est pourquoi le parcours de Vi ne se déploie qu’après une trentaine de pages consacrées aux ancêtres et à Hà, l’amie de sa mère, exilée elle aussi, qui aura sur Vi une influence émancipatrice.

Nouveauté : les chapitres portent des titres qui nous emmènent autour du monde. Du Mékong à Hanoi, Saigon… mais aussi Beijing, Kobé, Québec, Rome, Copenhague, Manhattan…Le monde s’ouvre devant la jeune fille : voyage physique et intérieur, qui la rend plus audacieuse, plus humaine. Elle ose braver les interdits liés à ses origines : elle refuse de suivre les études décidées par sa mère, elle perd sa virginité dans les bras de Tân, un bel étudiant, viet kieu[1] comme elle. Scandale ! Elle est convoquée par les parents de Tân : « Pense à la gratitude que tu dois à ta mère avant de continuer à l’humilier ainsi. » Stupeur ! Tân est d’avis qu’une fille de bonne famille ne se donne pas ainsi. Pour sauvegarder ce qu’il reste de convenances, les fiançailles sont célébrées.

Étudiante en droit, Vi partage un appartement avec Tân et Jacinthe qui « portait des décolletés et des talons vertigineux avec le naturel des femmes féminines féministes ». Tân ne supporte pas les gens avec qui elle travaille, qui viennent quelquefois faire la fête. Le jour où il reproche à Vi d’avoir négligé l’anniversaire de mort de son arrière-grand-père, Jacinthe le chasse. Seule, Vi va rendre les bijoux de fiançailles aux parents de Tân. D’ailleurs Hà lui avait fait promettre de ne pas se marier avant trente ans. Pour qui connaît les coutumes vietnamiennes, le comportement de Vi est d’une audace folle. Aujourd’hui encore.

Quelques amours et quelques années plus loin, Vi tombe amoureuse de Vincent à Hanoi où elle est en poste. « À travers cette histoire d’amour, je voulais parler de la colonisation, mais pas juste de son mauvais côté, qu’on met souvent en lumière. Et c’est vrai que dans tout rapport de force imposé, le mal apparaît fortement. Mais il y a aussi à travers ça de la beauté, de l’humain. »

On se pose évidemment la question du genre : roman ou autobiographie. À laquelle Kim Thuy répond avec enjouement : « Je n’invente rien. Ce livre-là n’est pas mon histoire. Je prends l’excuse de raconter “à travers moi” l’histoire de tous ces gens que j’ai croisés. Vi est celle que j’aurais aimé être ! »
À noter que la mention « roman » n’apparaît pas sous la mention du titre.

R. H. juillet 2023

[1] Vietnamien de la diaspora.

1re de couverture

 

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